Lisez tous les articles premiums avec votre abonnement numĂ©rique S'abonner Ă 1⏠jeudi 08/07/2021 Ă 09h16 - Mis Ă jour Ă 09h17 Ăconomie La Ciotat Des visites sont organisĂ©es pour immerger le public dans l'histoire du site Photos 1/2 Un bus privĂ© dĂ©pose le public sur le site des chantiers navals 2/2 Un diaporama commentĂ© sur l'histoire de la construction navale est diffusĂ© avant le dĂ©part sur le site. Elles sont toujours complĂštes et il faut s'y prendre Ă l'avance pour espĂ©rer dĂ©crocher sa place. Les visites du site des chantiers navals, organisĂ©es par les archives municipales et la Maison de la construction navale, visent Ă sauvegarder et promouvoir la mĂ©moire. Au sein de la Maison de la construction navale, un diaporama commentĂ© sur l'histoire de la construction navale est diffusĂ© avant le dĂ©part en bus pour le site. Des images et vidĂ©os d'archives qui permettent de replonger dans cette Ă©poque. "Les premiers chantiers ont vu le jour en 1660", expliquent les agents du pĂŽle transmission de la mĂ©moire du service des archives, en charge de l'animation. Ă l'Ă©cran, la citĂ© ouvriĂšre dont il ne reste rien aujourd'hui, les grĂšves des ouvriers ou encore des por Il vous reste 84% Ă lire. DĂ©jĂ abonnĂ© ? Se connecter Comment accĂ©der Ă cet article ?
| Ô”ŃŃáŻÎł Ï áŹĐžŐ¶ | á±ĐŸ ŃÖ Ńá áčŐŻĐŸĐșášÎ»Đ”Ń՚ж |
|---|---|
| ĐÏа Ő„ĐœŃŃДζᔠŃŃŃŃ | ÎŁáĄŐčÏÎœáź ÎŽÏ Ő€áŒĐ±Ö |
| Đб ÏŃΜΔ | á ÎČĐŸŃ ŃĐșášĐ±Đ” |
| ĐŁÏαŐșа ŃηŃŃĐČĐ”áœĐžĐș ŃŃŃÏ | ĐÖŐš Ńγοб Đ»ĐŸŃĐžÏÎżŐč՞жο |
| áОгիŃÏ áλէбեáÎč | ĐĐ» á |
| Ô¶ÖŃŃŃŃаŐČаշ ŃáŃŃДճŃŃ | áŐžáОжիŃаկ азοáá ŃĐ» |
Excursion nature et patrimoine Port Vieux, quai François Mitterrand, Maison de la construction Navale de La Ciotat, 17 septembre 2022, La Ciotat. Excursion nature et patrimoine Dimanche 18 septembre, 00h00, 10h30 Port Vieux, quai François Mitterrand, Maison de la construction Navale de La Ciotat Balade gratuite sur inscription Atelier Bleu Balade guidĂ©e reliant le centre-ville et la nature. ThĂšme patrimoine historique et naturel. Port Vieux, quai François Mitterrand, Maison de la construction Navale de La Ciotat La Ciotat La Ciotat 13600 Bouches-du-RhĂŽne Provence-Alpes-CĂŽte dâAzur Dates et horaires de dĂ©but et de fin annĂ©e â mois â jour â heure 2022-09-18T000000+0200 2022-09-18T180000+0200 Cliquez ici pour ajouter gratuitement un Ă©vĂ©nement dans cet agenda Port Vieux, quai François Mitterrand, Maison de la construction Navale de La Ciotat La Ciotat Bouches-du-RhĂŽne La Ciotat Bouches-du-RhĂŽne La Ciotat Bouches-du-RhĂŽne
Lesarchives par sujet : Maison du bouche ancien lit de la Durance. Le village est la limite entre les deux. Ses vieilles maisons encerclent l'Abbaye du XIIIe siĂšcle, occupĂ©e jadis par les Dames Abbesses. Vous passerez au pied du cheval de pierre, avant de rentrer face aux Alpilles, par des chemins oĂč coulent encore quelques sources appelĂ©es "les1 . Je remercie Pascal Barbier, Lise Bernard, Muriel Letrait, Jasmina Stevanovic ainsi que les lecteu ... 1 ĂclatĂ© », fragmentĂ© », dĂ©suni », disqualifiĂ© », balkanisĂ© » les qualificatifs ne manquent pas pour dĂ©crire la dĂ©structuration dâun groupe ouvrier aujourdâhui affaibli par lâhĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© des statuts professionnels, les transformations des mĂ©thodes de travail, la remise en cause syndicale, les conflits entre gĂ©nĂ©rations et les mĂ©canismes de mise en concurrence des salariĂ©s Beaud & Pialoux, 20041. Les formes dâorganisation du travail et de gestion de la mainâdâĆuvre participent Ă la fragmentation des conditions ouvriĂšres. Parmi elles, la sousâtraitance constitue une dimension centrale de ces processus de segmentation en opposant les ouvriers intĂ©grĂ©s » du cĆur » aux salariĂ©s de la pĂ©riphĂ©rie » Linhart & Maruani, 1982 ; Castel, 1995, souvent exclus du statut souvent plus avantageux prĂ©vu par la convention collective ou lâaccord dâentreprise [de lâentreprise gĂ©nĂ©rale] » Boltanski & Chiapello, 1999, p. 328. Son usage tient, pour les entreprises, Ă la recherche dâune flexibilitĂ© qui sâaccompagne gĂ©nĂ©ralement dâune prĂ©carisation de lâemploi pour les travailleurs sousâtraitants voir, entre autres, Gorgeu & Mathieu, 1992 ; ThĂ©baudâMony, 2000 ; Jounin, 2008. Les auteurs qui se sont intĂ©ressĂ©s aux travailleurs de la sousâtraitance ont insistĂ© sur les mĂ©thodes plus dures de gestion de la mainâdâĆuvre » dans les entreprises sousâtraitantes Beaud & Pialoux, 2003, p. 127, lieux dâinnovation organisationnelle et sociale » Gorgeu & Mathieu, 1992. Les sousâtraitants occupent souvent des postes de travail jugĂ©s infĂ©rieurs Ă ceux qui sont occupĂ©s par les salariĂ©s maison », des postes exposant Ă des conditions de travail plus difficiles Fournier, 2012 ; ThĂ©baudâMony, 2000 ; Jounin, 2008. Au total, dans les travaux sur la sousâtraitance industrielle ThĂ©baud-Mony, 2000 ; Morin, 1997 ; Gorgeu & Mathieu, 2005, la condition ouvriĂšre dans la sousâtraitance sâapparente Ă ce que Serge Paugam nomme lâintĂ©gration professionnelle disqualifiante », car elle cumule des conditions dâemploi instables et peu de satisfactions au travail Paugam, 2008. Mais la sous-traitance a Ă©galement des effets sur lâintĂ©gration professionnelle » des ouvriers les plus stables, ceux du cĆur, la cohabitation de segments ouvriers aux statuts dâemploi diffĂ©renciĂ©s pouvant affecter leur rapport au travail et leur rapport Ă lâemploi. La prĂ©sence des temporaires effectuant des tĂąches trĂšs voisines peut ainsi ĂȘtre vĂ©cue par les permanents » comme une remise en cause de leur identitĂ© sociale et professionnelle voir entre autres Papinot, 2009 ; Beaud & Pialoux, 2004 ; Mashkova, 2008 qui vient exacerber les jalousies et concurrences au travail » Beaud & Pialoux, 2004, p. 166. Cohabiter avec des ouvriers extĂ©rieurs rend tangible le risque de prĂ©carisation et peut contribuer au processus de dĂ©stabilisation des stables » Castel, 1995. 2 . Nous proposons, au contraire, de rompre avec lâidĂ©e rĂ©pandue dâune sorte de discontinuitĂ© radi ... 3 . Cette diffĂ©rence de rĂ©ception de lâenquĂȘte selon les sousâgroupes ouvriers en prĂ©sence donnait dĂ© ... 2Dans le prolongement des travaux sur la multiplication des statuts dans lâindustrie, lâobjectif de cet article est dâanalyser les effets de la coprĂ©sence dâouvriers sousâtraitants et dâouvriers maison » sur la configuration du monde ouvrier Ă partir du cas des chantiers navals de SaintâNazaire, un cas particuliĂšrement reprĂ©sentatif de la complexitĂ© dans les modes de gestion de la mainâdâĆuvre ouvriĂšre aujourdâhui cf. encadrĂ©. Aux chantiers navals, cohabitent, dans un mĂȘme espace de travail, des ouvriers maison » au statut professionnel plutĂŽt favorable et des ouvriers sousâtraitants qui apparaissent moins bien lotis. Les premiers incarnent la permanence dâune aristocratie ouvriĂšre ils sont recrutĂ©s en CDI, leur salaire moyen est de 1 900 euros nets par mois en 2006 et ils bĂ©nĂ©ficient de primes variĂ©es. Ils exercent de plus des mĂ©tiers ouvriers traditionnels de la construction navale dont ils tirent une grande fiertĂ© charpentier fer, soudeur, traceur. Les seconds constituent un ensemble hĂ©tĂ©rogĂšne ils sont des ouvriers sousâtraitants français et des ouvriers sousâtraitants Ă©trangers, certains sont recrutĂ©s en CDI dans de grands groupes industriels offrant des statuts dâemploi et conditions salariales favorables lorsque dâautres travaillent comme intĂ©rimaires. Une partie dâentre eux, les Ă©trangers notamment, sont concernĂ©s par le sale boulot » Hughes, 1996 comme la peinture de la coque mĂ©tallique ou lâentretien des locaux, travaux trĂšs Ă©prouvants et dĂ©valorisĂ©s par les ouvriers maison ». Ă partir dâune enquĂȘte ethnographique dans cette entreprise voir lâencadrĂ©, notre objectif est dâĂ©tudier les interdĂ©pendances entre ces segments ouvriers en rompant avec lâopposition binaire stables » versus instables »2. Une telle dĂ©marche prĂ©sente Ă nos yeux un double intĂ©rĂȘt celle, dâune part, de prendre la mesure de relations de travail complexes, façonnĂ©es Ă la fois par le statut dâemploi et lâorigine nationale ; celle, dâautre part, dâapprĂ©hender finement les effets dĂ©stabilisants de la sous-traitance sur les ouvriers stables ». Pour cela, nous Ă©tudierons les segmentations ouvriĂšres qui dĂ©coulent du dĂ©veloppement de la sousâtraitance en interrogeant les processus de hiĂ©rarchisation, les relations de travail, les luttes pour le pouvoir symbolique Hughes, 1996 ; Elias & Scotson, 1997 et la maniĂšre dont la gĂ©nĂ©ralisation de la sousâtraitance reconfigure le rapport Ă lâemploi des ouvriers les plus stables bĂ©nĂ©ficiant dâun certain prestige symbolique et prĂ©sentant les attributs dâune aristocratie ouvriĂšre ». Quels sont les effets de la sousâtraitance sur les relations entre ouvriers ?3 Ces relations de travail fragilisent-elles les ouvriers les plus stables ? Participent-elles Ă la dĂ©stabilisation des franges hautes du monde ouvrier ? Pour rĂ©pondre Ă ces questions, lâarticle procĂšde en trois temps. En premier lieu, il Ă©tudie les formes de coopĂ©ration dans le travail dans un cadre de multiplicitĂ© des statuts et leurs effets de renforcement de la position des ouvriers maison ». Ensuite, il sâintĂ©resse aux conflits entre ouvriers maison » et ouvriers sousâtraitants, ainsi quâentre ouvriers français et ouvriers Ă©trangers, et Ă leurs effets de dĂ©valorisation mutuelle. Enfin, il propose dâanalyser la maniĂšre dont ces relations de travail transforment le rapport Ă lâemploi des ouvriers maison ». EncadrĂ© PrĂ©sentation du terrain dâenquĂȘte 4 . Voir lâannexe Ă©lectronique 1 Nombre estimĂ© de personnes sur le site des chantiers navals de 20 ... 5 . Voir lâannexe Ă©lectronique 2 Compte rendu dâobservation des audits sociaux avec une responsable ... Aux chantiers navals, la gestion de la main-dâĆuvre repose sur un recours massif Ă la sousâtraitance, nationale et Ă©trangĂšre. JusquâĂ 80 % de la production dâun navire des paquebots de luxe principalement y est sousâtraitĂ©e, dont 20 % environ Ă des entreprises Ă©trangĂšres. Au total, prĂšs de 700 entreprises locales, nationales ou Ă©trangĂšres gravitent sur ce site industriel4. Or ces entreprises sousâtraitantes emploient 80 % dâouvriers prĂ©caires, en CDD, en intĂ©rim, ou en CDIC Contrat Ă DurĂ©e IndĂ©terminĂ©e de Chantier. Ce dernier contrat est une dĂ©rogation au droit du travail créée pour le BTP depuis les annĂ©es 1970, mais il nâest pas lĂ©gal dans le secteur mĂ©tallurgique » Lefebvre, 2005. Le recours Ă la sousâtraitance nâest pas un phĂ©nomĂšne nouveau dans la construction navale, qui a toujours eu recours Ă une sousâtraitance de charge » et Ă une sousâtraitance dite de spĂ©cialitĂ© ». Cependant, Ă partir de 1994, lâentreprise met en place une sousâtraitance globale » des lots entiers du navire sont sousâtraitĂ©s Ă des entreprises qui sousâtraitent Ă leur tour Ă des entreprises de rang 2 » ou rang 3 ». La sousâtraitance devient entiĂšrement structurelle au dĂ©but des annĂ©es 2000. Cette sousâtraitance massive a dâailleurs donnĂ© lieu Ă des conflits sociaux importants, en particulier Ă cause du nonârespect du droit du travail français au sein de certaines entreprises Ă©trangĂšres opĂ©rant en France. La gĂ©nĂ©ralisation de la sousâtraitance se matĂ©rialise rapidement sur le site numĂ©riquement, les sousâtraitants dominent les ouvriers maison ». Ils Ă©taient 13 099 en janvier 2003 lorsque la charge de travail Ă©tait trĂšs importante et se maintiennent autour de 7 000 travailleurs sousâtraitants entre 2004 et 2008, tandis que les effectifs ouvriers internes Ă lâentreprise donneuse dâordres sont passĂ©s de 2 770 en 1995 sur un total de 4 456 salariĂ©s dans lâentreprise, en incluant les cadres, agents de maĂźtrise et techniciens Ă 1 038 en 2007 sur 3 622 salariĂ©s. LâenquĂȘte ethnographique sur laquelle repose cet article a Ă©tĂ© menĂ©e de 2006 Ă 2011 aux chantiers navals. Les entretiens ethnographiques ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s avec des ouvriers maison » 33, des ouvriers sousâtraitants Ă©trangers 8 et des ouvriers sousâtraitants nationaux 5. Les conditions dâenquĂȘte ont favorisĂ© la rencontre dâouvriers maison », plus enthousiastes envers la dĂ©marche dâenquĂȘte que les ouvriers sousâtraitants souvent mĂ©fiants5 en partie parce que lâenquĂȘte a Ă©tĂ© lancĂ©e Ă une pĂ©riode oĂč des audits sociaux Ă©taient rĂ©alisĂ©s par les ressources humaines, afin de vĂ©rifier le respect du droit du travail français chez les sousâtraitants5. Cet enthousiasme des ouvriers maison » tient en partie Ă un type dâinsertion sur le terrain reposant assez largement sur des contacts personnels avec des salariĂ©s de lâentreprise donneuse dâordres principalement des cadres. En plus de ces entretiens avec les ouvriers, une sĂ©rie dâentretiens a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e avec des cadres, superviseurs et techniciens maison » et sousâtraitants 10 afin de recueillir une connaissance indiciaire des conditions dâemploi et de travail des ouvriers de la sousâtraitance. Ces entretiens furent complĂ©tĂ©s par des observations dans la ville de SaintâNazaire et aux alentours du site industriel cafĂ©s, maison des syndicats, lors de dĂ©brayages, etc. et par des observations ponctuelles dans lâentreprise Ă bord des navires en construction. Enfin, une analyse des documents dâentreprise bilans sociaux, tracts syndicaux, documents Ă destination des managers, de la presse locale OuestâFrance, Presse OcĂ©an et de la presse spĂ©cialisĂ©e Mer et Marine, Le Marin, LâUsine nouvelle a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e. Ouvriers maison » et ouvriers sousâtraitants une nĂ©cessaire coopĂ©ration technique et matĂ©rielle 6 . Pierre Fournier montre que, dans lâindustrie nuclĂ©aire, la coopĂ©ration est obligatoire dans le tr ... 3La description des relations de travail entre ouvriers sousâtraitants et ouvriers maison » dans lâindustrie dĂ©voile souvent des tensions et des conflits. Aux chantiers navals, ces relations se traduisent dâabord par des formes de coopĂ©ration technique et matĂ©rielle. Contrairement aux usines automobiles par exemple, oĂč les sous-traitants disposent de leurs propres ateliers et sont peu en contact avec les ouvriers de lâentreprise gĂ©nĂ©rale Gorgeu & Mathieu, 2005, les ouvriers des chantiers navals sont tous dans le mĂȘme bateau » pour reprendre une expression frĂ©quemment entendue lors de lâenquĂȘte. Non seulement la coopĂ©ration technique est possible Ă bord des navires, mais elle est obligatoire. Elle implique alors une nĂ©cessaire cohĂ©sion du groupe » Fournier, 2012, p. 1176. Ces relations de travail issues de la sousâtraitance impliquent des formes de coopĂ©ration inĂ©dites pour les ouvriers, en particulier du fait de la sousâtraitance Ă©trangĂšre. Dans lâensemble cependant, cette coopĂ©ration tourne Ă lâavantage des ouvriers maison ». Une coopĂ©ration technique par-delĂ les problĂšmes de langue 4 Tous dans le mĂȘme bateau », une grande famille », ces formules utilisĂ©es par les ouvriers maison » et les ouvriers sousâtraitants semblent attĂ©nuer des diffĂ©rences de statuts et dâentreprises. Lâimage de la famille tend Ă souligner la bonne ambiance » Ă bord des navires qui se nourrit de la valorisation du travail effectuĂ©. Cette norme culturelle du comportement » au sein du monde ouvrier est fondĂ©e sur le goĂ»t du travail bien fait selon les critĂšres du groupe » Brochier, 2006, p. 530. Si certains rapportent au dĂ©part le peu de cohĂ©sion » entre les ouvriers maison » et les sousâtraitants, ils rendent aussi compte de lâobligation dâentraide » au nom de cette norme partagĂ©e du travail bien fait » dĂ©jĂ mise en Ă©vidence par Christophe Brochier lors de lâĂ©tude des relations ouvriĂšres au sein dâune usine 2011, p. 23. Cette coopĂ©ration technique et matĂ©rielle Ă bord des navires sâobjective aussi dans le fait que les ouvriers dâĂ©quipes et dâentreprises diffĂ©rentes communiquent directement, sans nĂ©cessairement passer par leur supĂ©rieur hiĂ©rarchique On est toujours lâun Ă cĂŽtĂ© des autres, sâil y a besoin dâun coup de main, un conseil ou autre. On est toujours en relation les uns avec les autres. MĂȘme au niveau des autres dĂ©partements, je sais pas, on a des fils qui passent⊠on va voir, mĂȘme sans passer par la maĂźtrise, de bouche Ă oreille entre compagnons, tiens, tâas un appareil Ă poser lĂ ? », oui », bon bah impeccable, on va pouvoir les dĂ©brouiller ». On attend quâils [les chefs] soient partis quand mĂȘme ! FrĂ©dĂ©ric, 43 ans, charpentier fer maison ». 7 . Le nombre dâouvriers Ă©trangers travaillant aux chantiers navals a considĂ©rablement augmentĂ© en 20 ... 5Cette coopĂ©ration entre ouvriers maison » et sousâtraitants est facilitĂ©e lorsquâil sâagit de sousâtraitants Ă©tablis de longue date sur le site industriel. Mais elle est plus complexe avec les sousâtraitants Ă©trangers, arrivĂ©s plus rĂ©cemment aux chantiers navals7. Afin de se coordonner en dĂ©pit des diffĂ©rences de langues, les ouvriers ont dĂ©veloppĂ© diffĂ©rentes techniques. Ils dessinent par exemple sur les cloisons ou la tĂŽle des petits dessins », croquis » ou crobards » afin de se comprendre. Les gestes, les mimes, les paroles avec les mains » et les dessins sont devenus des pratiques courantes aux chantiers navals car elles permettent aux ouvriers de nationalitĂ©s diffĂ©rentes de collaborer, comme lâexpliquent ces deux ouvriers un sousâtraitant Ă©tranger et un maison » â Du coup, Ă bord, tout le monde parle sa langue ? On parle pas ! [rires] Avec les Italiens un peu. Eux ils parlent vite. â Vous parlez en français ? Oui. Français, Allemagne, hongrois, croate, italien⊠et on Ă©crit. â On Ă©crit ? Sur la cloison. â Pour parler du travail, vous Ă©crivez ? Pas besoin. â Avec les mains ? Oui Brojan, 29 ans, moniteur, sousâtraitant, Croate. â Mais quand vous avez besoin dâun truc, vous arrivez Ă communiquer ? Oui. Bah nous directement on nâa pas directement affaire Ă eux. Mais bon des fois on a un pont qui⊠ça peut arriver, ils sont auâdessus, nous on travaille enâdessous et, quand on a besoin, bah on va les voir, pour parler on fait des traits sur la cloison ou⊠Yâa des chefs qui parlent plus ou moins anglais alors on va les voir. Mais bon yâa la barriĂšre de la langue, on nâira pas discuter avec les gars FrĂ©dĂ©ric, 43 ans, Ă©lectricien maison ». 6Si la langue reste un obstacle Ă la coopĂ©ration entre sousâtraitants Ă©trangers et ouvriers nationaux, lâusage de lâanglais semble la faciliter. Pour cette raison, certaines entreprises Ă©trangĂšres ont recrutĂ© des traducteurs. Dans dâautres entreprises sousâtraitants, certains ouvriers Ă©trangers accĂšdent Ă un statut de moniteur » pour gĂ©rer, dans les situations concrĂštes de travail, les interactions entre nationaux et Ă©trangers. Parce quâils parlent français ou anglais et peuvent donc communiquer avec les travailleurs nationaux, ces ouvriers Ă©trangers accĂšdent Ă des positions de petits » chefs au sein de leurs Ă©quipes. La trajectoire de Brojan, un ouvrier sousâtraitant croate, illustre ce type de mobilitĂ© professionnelle sur le site depuis 2001, il a appris Ă parler français en travaillant aux chantiers navals et est devenu moniteur en 2009 â Tu aimes ton boulot ? Oui. Maintenant oui. â Avant non ? Maintenant je suisâŠ.. [Il cherche ses mots. Il finit par me faire des dessins sur un petit bout de papier pour mâexpliquer sa position] â Dâaccord. Donc tu fais le lien entre Alpha [entreprise sousâtraitante de rang 1] et tes collĂšgues ? Oui. [âŠ] Et jâaime bien faire ça. Ils me cherchent sâil y a quelque chose et je dois expliquer Ă eux. â Sâil y a des problĂšmes de travail ou des problĂšmes de logement ou⊠Non. â Juste pour le travail ? Oui, oui. â Mais tu fais le mĂȘme travail quâeux sinon ? Non, je fais rien. Je suis conducteur. Je cherche les gaines, le matĂ©riel. Et aprĂšs je peux parler Ă eux [il me dĂ©signe le groupe dâouvriers sur le dessin] et je peux parler avec lui [il me dĂ©signe le chef de lâentreprise sousâtraitante de rang 1 dont ils dĂ©pendent]. â Tâes un peu chef ? Oui. Avant je suis comme eux. Je travaillais, travaillais. â Et depuis quand tu fais ça ? Octobre. â Et ça tu aimes ? Oui Brojan, 29 ans, moniteur, sousâtraitant, Croate. 7MalgrĂ© sa maĂźtrise imparfaite du français, Brojan dispose de petites » responsabilitĂ©s en gĂ©rant lâinterface entre travailleurs français et croates. La coopĂ©ration entre ouvriers Ă©trangers et ouvriers nationaux passe aussi par la volontĂ© des ouvriers nationaux dâapprendre quelques motsâclĂ©s dans diffĂ©rentes langues Si ce nâest que, lĂ , je suis super fier de moi parce que si ça continue on va apprendre le polonais facilement, le russe aussi, le tchĂšque, bientĂŽt le finlandais Thomas, 40 ans, serrurier maison ». 8Si le ton de Thomas est ironique, il mâexpliquera pourtant plus tard quâil a rĂ©ellement appris quelques mots de ces diffĂ©rentes langues depuis quâil travaille avec des ouvriers Ă©trangers. Câest Ă©galement le cas de Thierry, un ouvrier sousâtraitant Moi jâai eu un Polonais sur le premier bateau, on a fait les cabines Ă deux, il a appris avec moi⊠â Comment tu fais pour communiquer ? Bah un peu anglais, un peu français. â Ils comprennent un peu ? Ouais ! Et jâai appris le polonais, enfin des mots quoi. Il mâa appris Ă dire je ne parle pas polonais » [rires] et des mots quoi ! â Ah ouais ? Câest marrant. [Il bredouille quelques mots de polonais et rit] CâĂ©tait un bon gars, adorable, un gros Polack et tout ! Thierry, 36 ans, poseur de moquettes, sousâtraitant. 8 . Lâappellation un bon gars » fait Ă©cho Ă ce quâa montrĂ© Philippe Bataille Ă propos du racisme ... 9En dĂ©crivant ses interactions avec cet ouvrier polonais, un bon gars8 » quâil qualifie de gros Polak », Thierry laisse entendre que certaines interpellations se font Ă partir de qualificatifs liĂ©s Ă lâappartenance nationale, comme dans le secteur du bĂątiment Ă©tudiĂ© par Nicolas Jounin oĂč la nomination des ouvriers en fonction de lâorigine ethnique est courante, parce quâelle est pratique » 2004, p. 113. 10La coopĂ©ration technique nĂ©cessaire, voire obligatoire, dans le secteur de la construction navale prend donc des formes multiples conseils, coordination directe entre ouvriers ou entraide. Cependant, lâinĂ©galitĂ© de statut sâexprime aussi dans cette coopĂ©ration entre travailleurs â Et avec les Ă©trangers comment vous communiquez pour le boulot ? Lâanglais pour ceux qui y arrivent ! Aussi bien pour eux que pour nous ! [rires]. Et les signes, les dessins, voilĂ . Les dessins, les signes. Et puis des fois ils disent oui on a compris » et puis ils ont rien compris, et nous pareil ! [rires] Et puis on sâen aperçoit quand le bloc est rĂ©glĂ© [quand un local a Ă©tĂ© achevĂ©] ! Mais en gĂ©nĂ©ral ça se passe bien. LĂ , les Roumains, ils avaient un interprĂšte. Les Polonais, ils essaient dâavoir un interprĂšte aussi avec eux. Y a que les Lituaniens ou une autre⊠je sais plus, un autre pays, ils nâont pas dâinterprĂšte donc câest pas toujours Ă©vident. Mais en gĂ©nĂ©ral, on exprime par terre les cotes quâon veut et ils comprennent. Et puis, bon, ils sont plus intĂ©ressĂ©s que nous, ils sây mettent vite. Nous on ne cherche pas Ă les comprendre, eux ils sont... Ils sây mettent vite MichaĂ«l, 33 ans, traceur maison ». 11 Nous on ne cherche pas Ă les comprendre » MichaĂ«l rappelle ici les diffĂ©rences de statuts entre ouvriers, les sousâtraitants Ă©trangers Ă©tant contraints de rechercher plus activement des stratĂ©gies pour communiquer. Le vol dâoutils une entrave Ă la coopĂ©ration matĂ©rielle ? 12La question du vol dâoutils, centrale dans le discours des ouvriers maison », illustre la complexitĂ© des relations de travail entre des ouvriers aux statuts dâemploi diffĂ©rents. Les segments ouvriers sâaccusent rĂ©ciproquement de voler des outils les sousâtraitants pour arriver Ă travailler â du fait de lâinsuffisance de lâoutillage fourni par les entreprises â ; les ouvriers maison » pour les utiliser dans la sphĂšre privĂ©e. Selon ces derniers, le vol du matĂ©riel reprĂ©sente une difficultĂ© supplĂ©mentaire dans leur travail comme le montre AndrĂ©, serrurier Ă bord des navires [âŠ] Sâil y en a un qui a besoin dâun marteau, des fois on prĂȘte, des fois on prĂȘte pas. Parce que ça dĂ©pend oĂč il doit aller. Câest tout. Parce que le matĂ©riel, des fois ça revient et des fois ça revient pas. Donc tu te mĂ©fies. Par contre les vols, câest embĂȘtant. â Vous vous ĂȘtes fait voler des outils ? Moi jâai Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© [en arrĂȘt maladie] et, en lâespace dâun mois, jâai eu trois fois mon coffre de fracturĂ©. Ăa vole dur. Câest pour ça que je te dis que des fois maintenant on a des locaux [une cabine dĂ©diĂ©e pour dĂ©poser le matĂ©riel]. On nâen a pas toujours parce que des fois quand câest fini la peinture [de la cabine] ils [les chefs] veulent pas quâon lâabĂźme et tout. Mais si tâen as pas, ton coffre, il traĂźne un peu dans la coursive⊠Comme on nâa pas les mĂȘmes horaires, on pourra jamais accuser qui câest. Tâauras beau en voir un passer tous les jours, il touchera pas Ă ton coffre, et un qui va passer une seule fois, sâil a besoin de quelque chose, il va prendre. Un coffre, câest quoi, câest une caisse en bois et un cadenas. Mais Ă bord tâas un lapidaire, tâas un marteau. Le vol, câest pĂ©nible. Moi, ce que je comprends pas, câest quâon a du matĂ©riel type Chantiers [spĂ©cifique au donneur dâordres] et on voit beaucoup de boĂźtes Ă©trangĂšres avec le matĂ©riel comme ça. Alors, oĂč ils les ont ? Pourquoi ils font pas un contrĂŽle Ă bord, comme les lunettes [le port des lunettes est obligatoire], avec ton numĂ©ro de badge, ton nom et tout et la liste du matĂ©riel quâon doit avoir ? Câest du matĂ©riel qui coĂ»te trĂšs cher. Mais je suis sĂ»r que sâils fonctionnaient comme ça, on en retrouverait des postes Ă souder. Nous, aprĂšs, on est obligĂ© des faire des dĂ©clarations de perte. Mais aprĂšs, la personne qui est en haut [la hiĂ©rarchie], elle va commencer Ă dire ça fait troisâquatre fois quâil se fait voler. Et aprĂšs, tâas toujours un doute qui se met. Tu vois ce que je veux dire ? Et pourtant, le mec, il a pas de bol. AprĂšs, ils voulaient faire en sorte quâon se prĂȘte le matĂ©riel de gars Ă gars, mais nous on nâest pas dâaccord, parce que quand tu prĂȘtes le matĂ©riel Ă quelquâun, lui il peut le reprĂȘter Ă quelquâun et aprĂšs tu sais plus. Donc le matĂ©riel, câest pas au top AndrĂ©, 45 ans, serrurier maison ». 9 . Les Ă©quipements dâune partie des ouvriers sousâtraitants sont en effet moins complets que ceux de ... 13DâaprĂšs AndrĂ©, le vol de ses outils est effectuĂ© par des ouvriers dâentreprises extĂ©rieures et, plus prĂ©cisĂ©ment, des boĂźtes Ă©trangĂšres ». Lâaccusation de vol dĂ©signe donc principalement les ouvriers Ă©trangers. AndrĂ© souligne aussi les consĂ©quences de ces vols sur les carriĂšres des ouvriers » maison » selon lui, en se faisant voler Ă plusieurs reprises, ils courent le risque dâĂȘtre stigmatisĂ©s par leur hiĂ©rarchie en Ă©tant soupçonnĂ©s de les avoir volĂ©s euxâmĂȘmes. Par consĂ©quent, AndrĂ© fait partie des ouvriers qui ne souhaitent plus prĂȘter leurs outils aux ouvriers des entreprises sousâtraitantes et donc sâinscrire dans un cadre de coopĂ©ration matĂ©rielle. Cette attitude visâĂ âvis des vols est partagĂ©e par plusieurs ouvriers maison ». Ils accusent les sousâtraitants dans leur ensemble dâĂȘtre Ă lâorigine du vol de matĂ©riel partant du constat que les ouvriers de la sousâtraitance disposent de mauvais Ă©quipements9 â Dans lâatelier il y a des sousâtraitants ? Oui, mais ça se passe mal parce que, quand ils sont lĂ , il y a du matĂ©riel qui disparaĂźt. Jâai travaillĂ© en sousâtraitance, je comprends ça. On nous demande de faire un travail mais on nâa rien pour le faire. Moi ça ne me gĂȘne pas. Si jâai pas de quoi travailler, tant pis, je me dĂ©brouillerai, on ira moins vite Akim, 30 ans, charpentier fer maison ». 14Akim semble faire avec » le vol dâoutils quâil perçoit comme une compensation des inĂ©galitĂ©s de traitement dont sont victimes les sousâtraitants. En revanche, comme AndrĂ©, il affirme que ce sont bien les sousâtraitants qui sont Ă lâorigine du vol de matĂ©riel. Aucun des deux ne suggĂšre que les ouvriers maison » puissent voler des outils Ă leur entreprise car le vol en interne, surtout dans sa dimension de chapardage, est imputĂ© en prioritĂ© aux travailleurs les moins qualifiĂ©s et les moins bien rĂ©tribuĂ©s, pour lesquels le moindre revenu complĂ©mentaire peut faire la diffĂ©rence » Bonnet, 2008, p. 342. Câest ce qui explique que les ouvriers sousâtraitants Ă©trangers soient plus fortement soupçonnĂ©s car leur situation professionnelle est plus prĂ©caire que celle de certains ouvriers sousâtraitants français. Ils voleraient afin dâeffectuer leur travail dans des conditions plus proches de celles des autres ouvriers. Pourtant, plusieurs discussions avec des ouvriers sousâtraitants Ă©trangers ont montrĂ© que ces derniers sâestiment euxâmĂȘmes volĂ©s et quâĂ leur sens, les vols sont plutĂŽt du fait des ouvriers français. De la mĂȘme maniĂšre, les ouvriers sousâtraitants Ă©trangers ont la conviction que ce sont les ouvriers nationaux qui volent le matĂ©riel Non mais tu crois vraiment que lâouvrier Ă©tranger il va prendre du matĂ©riel et le prendre dans lâavion pour faire des trucs chez lui ? Câest Ă©vident que câest les Français qui volent ! Et puis, attends, si nous on se fait piquer, on risque beaucoup plus hein ! Gaspare, 34 ans, ouvrier amĂ©nagement, sousâtraitant, Italien. 15La remarque de cet ouvrier italien sur le vol dâoutils montre que le contexte industriel et les conditions dâemploi souvent prĂ©caires des ouvriers Ă©trangers de la sousâtraitance ne favorisent pas le dĂ©tournement de temps de travail ou dâoutils Ă des fins personnelles â la perruque Anteby, 2003 â, alors que les ouvriers maison » sont perçus comme plus familiers de cette pratique. Ainsi, chaque groupe a la certitude que les vols dâoutils sont effectuĂ©s par les autres segments ouvriers. Ce soupçon rĂ©ciproque ne semble cependant pas entacher le fort pouvoir symbolique des ouvriers maison » Ă bord des navires. Une subordination informelle des sousâtraitants aux ouvriers maison » 10 . Il sâagit en effet dâun groupe installĂ© de longue date » Elias & Scotson, 1997 par rapport ... 16AuâdelĂ de la question du vol, le constat prĂ©cĂ©demment formulĂ© dâune coopĂ©ration technique et dâune relative coopĂ©ration matĂ©rielle entre les ouvriers maison » et les ouvriers sousâtraitants demande Ă ĂȘtre nuancĂ© du fait du fort pouvoir symbolique des premiers dans le travail. En effet, mĂȘme sâils coopĂšrent, les ouvriers ne peuvent pas tous faire valoir la mĂȘme position Ă bord, les ouvriers maison » bĂ©nĂ©ficient dâun certain prestige par rapport aux ouvriers de la sousâtraitance et surtout par rapport aux ouvriers Ă©trangers. Lorsque Christophe Brochier pose la question Sur quoi se fonde le rang ? » dans une usine, il explique que ce sont lâanciennetĂ© et lâexpĂ©rience qui permettent Ă certains ouvriers de bĂ©nĂ©ficier dâune place spĂ©cifique par rapport aux autres ouvriers 2011, p. 15. Aux chantiers navals, ce sont les ouvriers maison » qui disposent du rang le plus favorable. Leur appartenance Ă lâentreprise donneuse dâordres semble leur confĂ©rer une position particuliĂšre visâĂ âvis des ouvriers extĂ©rieurs. Ces travailleurs sont, de plus, fortement attachĂ©s Ă leur entreprise et Ă la production qui y est effectuĂ©e. Ils mettent en valeur une sorte de cordon sentimental » Ă lâentreprise Chantiers proche de celui des ouvrierâeâs de Moulinex RoupnelâFuentes, 2011, p. 104. Ce sentiment dâappartenance Ă lâentreprise est redoublĂ© par lâanciennetĂ© de ces ouvriers sur le site. MĂȘme si, individuellement, ils ne sont pas toujours les plus anciens sur le site industriel, ce groupe est plus Ă©tabli »10 que les segments dâouvriers sousâtraitants nationaux ou Ă©trangers. Lâancrage du groupe des ouvriers maison » permet donc dâexpliquer en partie leur pouvoir symbolique sur les autres ouvriers â Ăa se passe bien avec les sousâtraitants ? Ăa se passe bien parce quâils tiennent Ă garder leur place. Et moi, Chantier [ouvrier maison »], je suis prioritaire. Je mâoctroie des⊠MĂȘme aujourdâhui, je me suis octroyĂ© des gestes, une position que je nâaurais normalement pas dĂ» prendre. [âŠ] Jâai Ă©tĂ© voir directement le sousâtraitant. Je crois que câĂ©tait un Polonais. Avec les mains, je lui ai demandĂ© si câĂ©tait son lot [zone du navire oĂč intervient le sousâtraitant], il mâa dit oui. Je lui ai demandĂ© de mettre ça propre. â Et il lâa fait ? Oui, ils ne veulent surtout pas faire mal. Ils veulent pas faire de bruit tout en prĂ©servant leur travail Thomas, 40 ans, serrurier maison ». 17Thomas met en lumiĂšre le pouvoir symbolique des ouvriers maison » sur le site, pouvoir qui repose avant tout sur la position moins favorable des ouvriers sousâtraitants et, en particulier, des ouvriers Ă©trangers, qui souhaitent voir leurs missions renouvelĂ©es. La scĂšne quâil relate montre quâil est intervenu directement auprĂšs dâun ouvrier sousâtraitant polonais pour lui demander de nettoyer le local sur lequel il intervenait â alors que les ouvriers de lâentreprise donneuse dâordres nâont, officiellement, aucun pouvoir sur les ouvriers extĂ©rieurs. Si ce pouvoir symbolique apparaĂźt limitĂ© Ă destination des ouvriers sousâtraitants nationaux, visâĂ âvis des ouvriers Ă©trangers Thomas explique clairement quâil sâoctroie des gestes ». Les ouvriers les plus stables semblent alors se comporter Ă lâĂ©gard de certains travailleurs extĂ©rieurs comme leur employeur Mashkova, 2008. Ă tel point que les ouvriers Ă©trangers ne savent plus clairement quel est le statut des ouvriers maison » Le gars du Chantier me donne des ordres sur certaines choses. Il me dit regarde, tu vas faire ça ». Il me dit ce que câest la prioritĂ© par exemple. On a des tableaux Ă bord avec les prioritĂ©s. [âŠ] Yâa aussi des gars de lâĂ©tude quâon connaĂźt parce quâils viennent Ă bord pour des petits trucs. Câest clair que quand ça fait longtemps quâon se connaĂźt, yâa plus de concurrence. Par contre, le premier impact câest pas toujours le mieux. Mais ils peuvent nous aider. Moi jâai vraiment un bon contact Alberto, 49 ans, ouvrier logistique, sousâtraitant, Italien. 11 . Ce mĂ©canisme est similaire Ă celui mis en Ă©vidence par Pierre Fournier dans lâindustrie nuclĂ©aire ... 18Les ouvriers maison » nâont aucun droit particulier sur les Ă©trangers du site ; ils exercent pourtant dans les faits une certaine domination sur les travailleurs Ă©trangers. Cet ascendant pris par les ouvriers maison » sur les Ă©trangers peut, en partie, ĂȘtre perçu comme une rĂ©affirmation de lâexistence dâun groupe ouvrier relativement fort et stable par rapport aux ouvriers Ă©trangers. Ces petits pouvoirs participent en effet Ă faire dâeux une fraction haute du monde des ouvriers de la construction navale en fabriquant » lâouvrier sousâtraitant, et surtout lâĂ©tranger, comme un subalterne11. Comme dans la relation installĂ©sâexclus Ă©tudiĂ©e par Norbert Elias et John L. Scotson, il existe une lutte pour le pouvoir entre ces deux fractions. Or, dans cette lutte pour le pouvoir, le dĂ©nigrement social par les puissants a gĂ©nĂ©ralement pour effet dâinculquer au groupe moins puissant une image dĂ©valorisĂ©e, et ainsi de lâaffaiblir et le dĂ©sarmer » Elias & Scotson, 1997, p. 36. Dans lâexercice mĂȘme du travail, on aperçoit les tensions entre segments ouvriers et la maniĂšre dont les ouvriers maison » veillent Ă conserver une position dâ aristocratie ouvriĂšre ». Conflits et dĂ©valorisations rĂ©ciproques entre ouvriers sousâ traitants et ouvriers maison » 12 . Ces formes de dĂ©valorisation sâobservent dans dâautres lieux du monde du travail. Par exemple, Br ... 19La sousâtraitance aux chantiers navals donne lieu Ă des conflits qui contribuent Ă dĂ©valoriser les ouvriers maison ». Si ces derniers conservent certains privilĂšges dans le travail et exercent une domination sur les ouvriers de la sousâtraitance, en particulier sur les ouvriers Ă©trangers, lâobservation du regard croisĂ© qui sâopĂšre entre sousâtraitants et maison » montre que ces derniers sont aussi stigmatisĂ©s par les ouvriers de la sousâtraitance comme on lâa vu avec le vol dâoutils. Sâexerce alors une dĂ©valorisation rĂ©ciproque entre les segments ouvriers en prĂ©sence, autour de lâusage du temps de travail et de la dĂ©pense physique des travailleurs12. Ce mĂ©pris croisĂ© » Beaud & Pialoux, 2004 est rendu possible par les dynamiques de mise en concurrence dans le travail entre les diffĂ©rents segments ouvriers en prĂ©sence. La mise en concurrence des segments ouvriers dans le travail des sousâtraitants flexibles », rapides » et dociles » 20Dans le travail, ouvriers maison » et ouvriers sousâtraitants sont mis en concurrence Ă partir de critĂšres dâengagement temporel et physique. Le rapport au temps dans le travail est ainsi Ă lâorigine de conflits entre ouvriers. En effet, le temps des ouvriers maison » diffĂšre de celui des sousâtraitants nationaux, qui se diffĂ©rencie luiâmĂȘme du temps des ouvriers sousâtraitants Ă©trangers. Lâentreprise utilise dâailleurs ce ressort pour mettre en concurrence les ouvriers. PremiĂšrement, les ouvriers ne sont pas tenus Ă la mĂȘme flexibilitĂ© dans les horaires de travail ; les jours travaillĂ©s et le temps passĂ© au travail ne sont pas les mĂȘmes pour les ouvriers sousâtraitants et pour les ouvriers maison », ni pour les ouvriers nationaux et les ouvriers Ă©trangers. Tandis que les ouvriers nationaux travaillent trenteâcinq heures par semaine, les ouvriers Ă©trangers peuvent allonger leurs horaires de travail. Cette flexibilitĂ© horaire est dâailleurs un des arguments permettant Ă lâentreprise donneuse dâordres de justifier le recours Ă la mainâdâĆuvre Ă©trangĂšre. La flexibilitĂ© des ouvriers extĂ©rieurs », et particuliĂšrement des ouvriers Ă©trangers, est valorisĂ©e. Les ouvriers Ă©trangers travaillent les weekâends et tard le soir, parfois jusquâĂ 22 heures ou 23 heures. Cet allongement des horaires de travail des ouvriers Ă©trangers est rĂ©guliĂšrement pointĂ© du doigt par les ouvriers nationaux, que ce soit pour dĂ©noncer lâ exploitation » des Ă©trangers par lâentreprise ou pour critiquer les ouvriers Ă©trangers euxâmĂȘmes qui, parce quâils sont plus flexibles, apparaissent comme des concurrents imbattables. On aperçoit dĂšs lors lâambivalence des relations interethniques aux chantiers navals car les critiques Ă lâĂ©gard des ouvriers Ă©trangers rĂ©sonnent aussi comme des critiques Ă lâĂ©gard de lâorganisation. DeuxiĂšmement, la mise en concurrence des ouvriers sâobjective dans le temps au travail, câestâĂ âdire dans lâusage que les ouvriers font du temps dans le travail Lallement, 2003. Câest principalement par ce ressort que lâentreprise donneuse dâordres met en concurrence les ouvriers maison » et les sousâtraitants. La direction de lâentreprise estime en effet que les ouvriers sousâtraitants travaillent plus vite que les ouvriers maison ». Cette reprĂ©sentation des sousâtraitants, qui seraient plus rapides et plus efficaces, est lĂ encore particuliĂšrement forte lorsquâil sâagit des ouvriers Ă©trangers. Ces derniers sont, de plus, reconnus pour leurs qualitĂ©s morales les entreprises leur attribuent une plus grande obĂ©issance, une disponibilitĂ© certaine et une capacitĂ© Ă ne pas se plaindre », Ă travailler dur » Jounin, 2008. Cette rĂ©sistance dans le travail fait dâeux une mainâdâĆuvre docile », idĂ©ale pour lâentreprise. Comme lâexprime Christophe, cadre dans une entreprise sousâtraitante qui recrute des ouvriers polonais par des missions dâintĂ©rim, les ouvriers Ă©trangers sont rapides, disciplinĂ©s et ne prennent pas de pauses Et puis, il y a une discipline qui est incomparable. Moi jâĂ©tais mĂȘme impressionnĂ©. La premiĂšre fois quâils sont venus... DĂ©jĂ , câest vrai quâon a tendance Ă faire des pauses cafĂ© ou des trucs comme ça. Eux, ils commencent Ă 7h 30, Ă 7h 30, ils sont au travail. Ils finissent Ă 11h 30, Ă 11h 30, ils rangent leurs affaires. Ils sâarrĂȘtent pas Ă 11h ! Et lâaprĂšsâmidi, câest pareil. [...] Et ils sâarrĂȘtent pas, ils travaillent tout le temps. Ils font pas de pauses⊠Ils vont aux toilettes comme tout le monde, mais ils font pas de pauses. Moi, jâarrive dâun gros groupe français. Bah, les gars, ils perdent environ deux heures par jour. Arriver en retard, partir en avance, faire deux pauses cafĂ© dans la matinĂ©e, deux pauses cafĂ© lâaprĂšsâmidi⊠[âŠ] Câest incomparable. [âŠ] Chez eux, ça se fait pas. Câest vraiment impressionnant. Je les ai contrĂŽlĂ©s plusieurs fois le matin en arrivant, jâai jamais rien eu Ă dire. Et puis⊠mĂȘme le travail, ils lĂ©sinent pas. Si les conditions sont pas bonnes, ils rechignent pas. Câest Ă faire ? Ils font. Sâil y a une erreur qui est faite, ils rĂ©parent tout de suite. Ils disent pas câest la faute du petit copain » ou câest pas moi ». Câest pas du tout les mĂȘmes mentalitĂ©s que nous. Donc ils sây retrouvent en production, la boĂźte. [âŠ] Câest vraiment interne aux pays de lâEst. Jâai travaillĂ© avec des Italiens, câest pas du tout comme ça. Câest trĂšs dur de travailler avec eux. Ils nous promĂšnent sans arrĂȘt. Alors que eux [les Polonais], sâils disent que la modif. est faite, vous allez contrĂŽler, elle est faite Christophe, 32 ans, cadre sousâtraitant. 13 . On retrouve ici ce quâa mis en Ă©vidence SĂ©bastien Chauvin Ă propos de lâhonnĂȘtetĂ© travailleuse ... 21Aux yeux des entreprises qui recrutent des ouvriers dâEurope de lâEst, il existerait des qualitĂ©s naturellement polonaises » â comme la docilitĂ© » â tandis que, Ă lâinverse, les ouvriers italiens seraient naturellement » peu fiables13. On observe donc aux chantiers navals une naturalisation des qualitĂ©s des ouvriers selon la nationalitĂ©, mise en Ă©vidence dans dâautres lieux du monde du travail Pitti, 2005 ; Jounin, 2008 ; Chauvin, 2010. Cette discipline associĂ©e aux ouvriers dâEurope de lâEst est en rĂ©alitĂ© largement dĂ©pendante des pressions quâils subissent pour voir leurs contrats renouvelĂ©s Lefebvre, 2005. 22En justifiant le recours massif Ă la sousâtraitance par la flexibilitĂ©, la rapiditĂ© dâexĂ©cution et la discipline » des ouvriers extĂ©rieurs, lâentreprise façonne une certaine hiĂ©rarchie ouvriĂšre qui remet en cause le sentiment dâappartenance Ă une aristocratie ouvriĂšre pour les ouvriers maison » au sommet de cette hiĂ©rarchie, les ouvriers sousâtraitants Ă©trangers par leur usage du temps de travail euxâmĂȘmes hiĂ©rarchisĂ©s selon des spĂ©cificitĂ©s nationales, au centre, les ouvriers sousâtraitants français et, en bas, les ouvriers maison » dont lâengagement dans le travail est mis en doute. Cette hiĂ©rarchie nâest pas sans incidences sur les relations de travail entre les ouvriers statutaires et les sousâtraitants. Une telle hiĂ©rarchie rappelle Ă©galement que les ouvriers sousâtraitants ne forment pas un groupe homogĂšne et permet de distinguer la situation des sousâtraitants Ă©trangers de celle des nationaux. Elle souligne enfin la diversitĂ© des situations au seinâmĂȘme du groupe des ouvriers Ă©trangers, Ă travers une distinction entre la figure de lâouvrier polonais et celle de lâouvrier italien. Un massacre ! » le dĂ©ni de reconnaissance du travail des sousâtraitants par les ouvriers maison » 23Cette forme de renversement de la hiĂ©rarchie ouvriĂšre, intĂ©riorisĂ©e par les travailleurs euxâmĂȘmes, implique des rĂ©actions de la part des ouvriers maison ». Ils critiquent en effet la vitesse dâexĂ©cution des sousâtraitants. Ces critiques sont dâautant plus vives lorsquâil sâagit des ouvriers Ă©trangers. 14 . Comme lâa montrĂ© SĂ©verin Muller dans lâindustrie agroalimentaire Muller, 2008. 24Le contrĂŽle du rythme de travail par les ouvriers euxâmĂȘmes est lâun des aspects essentiels rĂ©gissant les relations entre les sousâgroupes ouvriers. Aux chantiers navals, ce sont les ouvriers Ă©tablis » qui posent les rĂšgles de ce contrĂŽle14. En consĂ©quence, les sousâtraitants sont Ă©valuĂ©s par les ouvriers maison » au vu de leur investissement dans le travail, en termes de rythme de travail et dâengagement physique. Or une vitesse dâexĂ©cution des tĂąches trop rapide peut ĂȘtre stigmatisĂ©e par les ouvriers car il existe un contrĂŽle du temps et du degrĂ© dâeffort visâĂ âvis des consignes hiĂ©rarchiques » Brochier, 2006, p. 535. Cependant, la plupart des ouvriers de la sousâtraitance ne peut se plier aux rĂšgles du groupe. Bien quâune frange des ouvriers sousâtraitants bĂ©nĂ©ficie dâun emploi stable, une partie dâentre eux est contrainte de sâengager fortement dans le travail afin dâobtenir le renouvellement de leur mission dâintĂ©rim ou de leur CDD. Dans ce cas, la sousâtraitance peut donner lieu Ă des relations entre permanents » et temporaires », similaires Ă celles dĂ©crites par StĂ©phane Beaud et Michel Pialoux Beaud & Pialoux, 1993 ou par Christian Papinot selon qui la crainte de nonâreconduction de mission gĂ©nĂšre un surinvestissement au travail qui crĂ©e les conditions dâune intensification productive gĂ©nĂ©ralisĂ©e et engendre de fait la mise en concurrence avec les permanents et lâhostilitĂ© de ceuxâci » Papinot, 2009, p. 496. Cette hostilitĂ© est relatĂ©e par Vladi, un ouvrier russe, Ă qui les ouvriers français reprochent de travailler trop vite Les gars, ils me disent Attends, tâes pas au Goulag ici ! » Jâai dit Je mâen fous, je veux travailler plus » ; Mais attends, tâes pas au Goulag, tu veux bosser, câest pas mieux payĂ© quand tu bosses » , ils mâont dit. [âŠ] Des fois, les gars, ils voient pas quâils sont bien payĂ©s. Moi, jâaime travailler. Pour moi, le temps passe plus vite quand on travaille Vladi, 50 ans, tuyauteurâmachines, sousâtraitant, Russe. 25La rĂ©fĂ©rence au Goulag montre comment les stĂ©rĂ©otypes ethniques et culturels sont repris par les ouvriers maison » pour stigmatiser le travail des ouvriers Ă©trangers Jounin, 2004. Ces critiques concernant la vitesse dâexĂ©cution des ouvriers Ă©trangers glissent Ă©galement vers des remarques concernant la qualitĂ© du travail effectuĂ© par des propos tels que si le travail est mal faitâŠ. ». En effet, du point de vue des ouvriers maison », le travail serait certes effectuĂ© dans des dĂ©lais trĂšs courts mais il serait de mauvaise qualitĂ© Ces boĂźtesâlĂ , elles prennent des intĂ©rimaires mais elles prennent des Polonais. Il y a des Polonais aussi qui travaillent aux Chantiers de lâAtlantique [ancien nom de lâentreprise donneuse dâordres]. Ă bord, mais pas dans lâatelier. Mais je peux vous assurer madame que le boulot, ou bien des Italiens qui sont lĂ , on est obligĂ© de repasser derriĂšre et de tout refaire. Tout refaire ! Câest un massacre ! Je veux pas dire⊠Mais une grande partie de ce quâils ont fait, de ce quâils font, câest Ă refaire. Bah oui ! Câest bĂȘte quand mĂȘme. On a quand mĂȘme une qualitĂ© par rapport Ă eux⊠On nâa pas le mĂȘme savoirâfaire. Par rapport Ă eux, câest dĂ©jĂ plus sophistiqué⊠Surtout Ă bord, des fois, les Italiens et les Polonais, ce quâils font⊠Enfin, la plupart, je dis pas tous, non. Mais⊠câest Ă refaire. â ça fait rĂąler les autres je suppose ? 15 . Salif est en rĂ©gie », câestâĂ âdire quâil fait partie des rares intĂ©rimaires directement recru ... Bah voilĂ . Parce que ça nous fait du temps de perdu. Et lĂ on passe son temps. Si nous, on nous dit que câest telle heure tel jour il faut que ça soit fait, et si nous, on repasse derriĂšre, on perd du temps et puis lâentreprise elle perd de lâargent. Donc on perd du temps, on perd de lâargent Salif, 58 ans, soudeur, intĂ©rimaire en rĂ©gie15 ». 26Les propos de Salif montrent que, aux yeux des ouvriers maison », la vitesse dâexĂ©cution des ouvriers sousâtraitants sacrifie la qualitĂ© du travail, travail qui leur procure une grande fiertĂ©, autant par les savoirâfaire techniques nĂ©cessaires que par les produits finis construits aux chantiers navals des paquebots de luxe principalement. La flexibilitĂ© de la sousâtraitance, et surtout de la sousâtraitance Ă©trangĂšre, semble entrer en contradiction avec lâattachement des ouvriers maison Ă leur entreprise et Ă la production qui y est effectuĂ©e. 27Le rapport au temps des ouvriers sousâtraitants, et plus encore des Ă©trangers, se pose donc en contradiction avec celui des ouvriers du donneur dâordres Ă plusieurs Ă©gards. Dâabord, la vitesse dâexĂ©cution dans le travail de ces segments dâouvriers sâoppose au contrĂŽle du rythme de travail effectuĂ© par les ouvriers maison ». Ensuite, la rapiditĂ© des sousâtraitants semble ternir lâimage que les ouvriers maison » se font de leur propre production. Pour ces raisons, les ouvriers sousâtraitants sont largement dĂ©valorisĂ©s par les ouvriers maison » dans le travail. Cette dĂ©valorisation, dâautant plus vive Ă destination des ouvriers Ă©trangers, donne dĂšs lors des indices des formes de xĂ©nophobie aux chantiers navals. Des feignants ! » les ouvriers maison » mis en accusation 28Le mĂ©canisme de dĂ©valorisation Ă lâĆuvre entre ouvriers maison » et ouvriers extĂ©rieurs est rĂ©ciproque les ouvriers sousâtraitants dĂ©nigrent eux aussi les ouvriers maison ». Cette dĂ©valorisation prend des formes multiples. Elle concerne Ă son tour le rythme de travail des ouvriers maison » car ils sont accusĂ©s de travailler trop lentement. Elle concerne Ă©galement les tolĂ©rances du donneur dâordres envers eux Ă propos des rĂšgles de sĂ©curitĂ©. Elle touche enfin au rapport Ă lâemploi des ouvriers maison » la reprĂ©sentation quâont les ouvriers Ă©trangers du chĂŽmage en France contribue Ă associer les ouvriers français Ă des fainĂ©ants ». 29Nous avons vu que les ouvriers maison » dĂ©valorisent le travail des ouvriers extĂ©rieurs en parlant de travail mal fait⊠». Cette accusation est rĂ©ciproque les mĂȘmes remarques se retrouvent dans le discours des ouvriers de la sousâtraitance, français et Ă©trangers. Les ouvriers sousâtraitants dĂ©valorisent le travail des ouvriers maison » Ă travers la question du temps dans le travail, car ils estiment que leur rythme de travail est insuffisant. Par exemple, Jean, ouvrier en CDI dans une entreprise sousâtraitante, se moque des salariĂ©s maison » [âŠ] Parce quâils ont un rendement qui est pas forcĂ©ment⊠obligatoire quoi. Ils ont pas beaucoup dâalĂ©as. Sans dire⊠Les gars, ils bossent mais bon⊠sâils sont deux heures Ă rien foutre dans la journĂ©e, câest pas grave. Nous, sâils sont deux heures Ă rien foutre dans la boĂźte, câest pas bien. Eux, câest pas grave parce que, bon⊠tout le monde fait ça, alors [rires] ! Ăa reste dans leur politique. Ă partir du moment oĂč leur travail est fait ! Eux, ils ont une tĂąche dans la journĂ©e, et puis, ils la font, et aprĂšs ils sont tranquilles. Nous, on va faire notre tĂąche, et aprĂšs, il y en aura dâautres, etc. â Ils ont une rĂ©putation dâĂȘtre un peu glandeurs », non ? Ah bah il y en a beaucoup oui ! Et puis, il y a pas que des clichĂ©s. Moi, je peux te dire, y en a beaucoup qui ⊠Il y en a qui font leur boulot bien, hein ! Ils vont peutâĂȘtre moins vite, ils travaillent toute la journĂ©e. Tâen as peutâĂȘtre dâautres qui travaillent plus vite et, aprĂšs, bah ça leur donne le temps de⊠de se promener. Tant mieux pour eux, hein ! [âŠ] Câest leur politique quoi, câest tout. Câest doucement le matin et pas trop vite lâaprĂšsâmidi ! [rires] Jean, 37 ans, tuyauteurâsoudeur, sousâtraitant. 30 Doucement le matin et pas trop vite lâaprĂšsâmidi ! » lâimage quâutilise cet ouvrier sousâtraitant pour dĂ©crire le travail des ouvriers maison » montre bien comment ces derniers sont raillĂ©s par les ouvriers extĂ©rieurs au vu de leur investissement, jugĂ© insuffisant, dans le travail. Ce rythme de travail serait permis par lâorganisation interne dans lâentreprise gĂ©nĂ©rale. De ce fait, lâappartenance Ă lâentreprise donneuse dâordres est perçue comme un privilĂšge par les sousâtraitants, privilĂšge qui permettrait aux ouvriers maison » de sâengager moins fortement dans le travail. Des feignants », en balade », en promenade », des tireâauâflanc » tels sont les termes utilisĂ©s pour qualifier les ouvriers maison » qui sont Ă©galement assimilĂ©s Ă des fonctionnaires ». Ces remarques sont dâautant plus stigmatisantes aux yeux des ouvriers maison » que ce sont ces mĂȘmes termes quâils utilisent euxâmĂȘmes lorsquâils critiquent leurs propres chefs, soupçonnĂ©s dâĂȘtre les mains dans les poches ». En rĂ©sumĂ©, ils sont accusĂ©s de fainĂ©antise par les autres segments ouvriers alors quâil sâagit dâune attitude stigmatisĂ©e au sein du monde ouvrier Schwartz, 1990 ; Weber, 1989. Cette accusation est redoublĂ©e par la question des pauses dans le travail. Les ouvriers Ă©trangers se montrent trĂšs critiques envers les ouvriers maison » Ă ce sujet Ils savent quâils ont trenteâcinq heures Ă faire. Et, toutes les dix minutes, ils font une pause Bonjour parâci, bonjour parâlĂ , un cafĂ©, tiens on va fumer une clope ? » Et la journĂ©e se termine comme ça Marcello, 36 ans, moniteur amĂ©nagement, sousâtraitant, Italien. 31DâaprĂšs tous les ouvriers sousâtraitants Ă©trangers rencontrĂ©s, les ouvriers maison » prennent des pauses trop longues, trop rĂ©guliĂšres, et leur cadence est insuffisante. Les pauses fonctionnent ici comme un rĂ©vĂ©lateur des souplesses temporelles qui leur sont attribuĂ©es tandis que les ouvriers sousâtraitants en CDD ou en intĂ©rim sont contraints dâaccepter des pauses souvent plus courtes et plus rares afin dâobtenir de nouvelles missions Jounin, 2008 ; Chauvin, 2010. Et, pour ces travailleurs, les pauses clandestines [elles] sont Ă haut risque » Pruvost, 2011, p. 175. LâhĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© des statuts vient donc aussi diffĂ©rencier le rapport au horsâtravail dans le travail Pruvost, 2011. En consĂ©quence, mĂȘme sâils la nuancent, les ouvriers maison » nâhĂ©sitent pas Ă se rĂ©fĂ©rer Ă cette dĂ©valorisation, en reprenant la reprĂ©sentation de la hiĂ©rarchie ouvriĂšre prĂ©sentĂ©e plus haut â Et comment sont les rapports entre vous ? Le fait de pas ĂȘtre dans la mĂȘme boĂźte, estâce que ça crĂ©e des jalousies ? Non. Des fois ça chambre un peu. â Genre ? Genre⊠Du style⊠lâautre jour on en parlait avec un gars, et il dit » Moi je suis rentrĂ© aux Chantiers pour que ce soit les gars dâautres boĂźtes qui fassent mon boulot ! » [rires] Et puis le gars de la boĂźte il dit Nous on est rentrĂ©s dans cette boĂźte pour que ce soient les Ă©trangers qui fassent notre boulot ! On est encore moins cons que vous ! » Non, en gĂ©nĂ©ral ça se passe bien. â Câest plutĂŽt de la vanne⊠Oui. On est tous pour faire la mĂȘme chose. Câest vrai quâun moment, Ă une Ă©poque il y avait la rĂ©putation les gars Chantiers ils font rien, câest les autres qui font tout ». Ăa a peutâĂȘtre Ă©tĂ© vrai mais, depuis que je suis embauchĂ©, yâa eu des remaniements de faits, yâa eu⊠Yâavait certainement de lâabus aux Chantiers mais tu vois beaucoup moins de gens Ă rien faire, à ⊠MichaĂ«l, 33 ans, traceur maison ». 32Par les conditions dâemploi et de travail associĂ©es Ă chacun de ces segments ouvriers, les ouvriers maison » semblent avoir plus de latitude pour gĂ©rer leur rythme de travail. Par consĂ©quent, les sousâtraitants expriment, Ă destination des ouvriers embauchĂ©s, un mĂ©lange de jalousie et dâaversion » Jounin, 2008. 33Le processus de dĂ©valorisation du travail des ouvriers maison » par les sousâtraitants sâexprime aussi au sujet de la sĂ©curitĂ© au travail. Les ouvriers maison » sont critiquĂ©s car ils sont moins sanctionnĂ©s sur les questions de sĂ©curitĂ© au travail. En effet, en cas dâabsence des Ă©quipements de sĂ©curitĂ©, tous les ouvriers du site industriel peuvent ĂȘtre sanctionnĂ©s par la hiĂ©rarchie dâun carton jaune », sorte dâavertissement qui a des incidences sur les carriĂšres des ouvriers en termes de promotion ou dâavancement et sur les profits des entreprises sousâtraitantes qui doivent payer une amende quand un ouvrier est sanctionnĂ©. Or il existe des tolĂ©rances pour les ouvriers maison », moins sanctionnĂ©s par les cartons jaunes que les autres segments de travailleurs. Ătant salariĂ©s de lâentreprise donneuse dâordres, ils forment, aux yeux du personnel dâencadrement, un groupe ouvrier constituĂ© de leurs gars » et sont relativement Ă©pargnĂ©s dans lâapplication des cartons jaunes 16 . La barrette » est le nom donnĂ© au personnel de lâencadrement de lâentreprise donneuse dâordre ... Yâa des superviseurs, tout ça, qui viennent chaque jour. Ah oui, ils surveillent, ouh la la ! Yâa des barrettes partout16 ! Plein de barrettes ! â Ils surveillent parce que vous ĂȘtes de lâextĂ©rieur [câestâĂ âdire sousâtraitant] ? Ils sâoccupent aussi du Chantier mais ils sont plus exigeants avec les sousâtraitants quâavec les gars qui travaillent aux Chantiers. Ăa, câest sĂ»r, oui. Câest comme ça. [âŠ] Des fois, le gars du Chantier⊠entre ça et ça, il a des limites un petit peu moins ou un petit peu plus. Un gars du Chantier peut aller un peu Ă droite, un peu Ă gauche, ça va. Quand tâes sousâtraitant, non, non ! Ăa va pas aller⊠Câest comme ça ! Vladi, 50 ans, tuyauteur machines, sousâtraitant, Russe. 17 . Cette attitude sâobserve aussi sur les chantiers du bĂątiment Jounin, 2008. 34Ces diffĂ©rences de traitement relevĂ©es par les sousâtraitants renforcent les processus de segmentation du monde ouvrier aux chantiers navals. Elles viennent Ă©galement renforcer le pouvoir symbolique des ouvriers maison » qui, sur la question de la sĂ©curitĂ© au travail, adoptent une position proche de la direction de lâentreprise ils ont tendance Ă stigmatiser les comportements dangereux des sousâtraitants et nâhĂ©sitent pas Ă critiquer vivement ceux qui font les zouaves » pour reprendre lâexpression dâun ouvrier. En critiquant ainsi lâirresponsabilitĂ© des sousâtraitants17, ils mettent en valeur leur propre rapport au travail. La question de la sĂ©curitĂ© au travail et les tolĂ©rances visâĂ âvis des cartons jaunes » mettent en exergue les privilĂšges » des ouvriers maison » qui forment ainsi une strate protĂ©gĂ©e parmi les ouvriers de la construction navale. 35Ces critiques Ă destination des ouvriers maison » â concernant le temps au travail et les tolĂ©rances sur la sĂ©curitĂ© â sont Ă©mises par lâensemble des ouvriers de la sousâtraitance, quâils soient nationaux ou Ă©trangers. En revanche, les ouvriers Ă©trangers formulent une critique particuliĂšre Ă lâĂ©gard des ouvriers nationaux sousâtraitants et maison » Ă travers leur reprĂ©sentation du chĂŽmage en France. Cette reprĂ©sentation nĂ©gative du rapport Ă lâemploi des ouvriers nationaux redouble le processus de dĂ©valorisation des ouvriers maison ». En effet, les ouvriers Ă©trangers stigmatisent vivement les chĂŽmeurs français qui, selon eux, choisiraient leur condition En France, tâes chĂŽmeur parce que tâas vraiment envie de lâĂȘtre. Parce quâici yâa du boulot. Yâa du boulot dans le bĂątiment. Ici, sur les navires, yâa du boulot Gaspare, 34 ans, ouvrier amĂ©nagement intĂ©rimaire, sousâtraitant, Italien. 36Ce type de discours sur le chĂŽmage en France est rĂ©current dans les entretiens avec des ouvriers Ă©trangers. Le regard que les ouvriers Ă©trangers posent sur le chĂŽmage en France dĂ©pend de leur propre rapport Ă lâemploi et au travail les ouvriers Ă©trangers aux chantiers navals cumulent des contrats courts et sont soumis Ă des rythmes de travail intenses tandis que les ouvriers nationaux ont des conditions plus favorables. Dans quelle mesure cette reprĂ©sentation du chĂŽmage en France dĂ©stabiliseâtâelle les ouvriers maison » ? En leur associant chĂŽmage et fainĂ©antise, les ouvriers Ă©trangers dĂ©gradent la reprĂ©sentation que se font les ouvriers de leur emploi et de leur travail. Ces derniers sont en effet associĂ©s Ă des tireâauâflanc », ainsi quâĂ des privilĂ©giĂ©s » dans lâentreprise. Cette double reprĂ©sentation nĂ©gative participe au sentiment de disqualification de ces ouvriers stables. La menace » de la sousâtraitance et la tentation xĂ©nophobe 37Les relations de travail entre les ouvriers maison » et les ouvriers sousâtraitants nâont pas seulement des effets sur le rapport au travail des ouvriers, elles influent Ă©galement sur leur rapport Ă lâemploi, participant au processus de dĂ©stabilisation des stables » Castel, 1995. Ce sentiment sâexprime chez les ouvriers maison » par leur crainte de voir le noyau stable » disparaĂźtre sous le poids de la sousâtraitance et par le ressentiment quâils expriment Ă lâĂ©gard des ouvriers Ă©trangers. Câest la sousâtraitance qui fait la loi Ă bord du bateau ! » 38Le recours massif Ă la sousâtraitance dans la construction navale transforme le rapport Ă lâemploi des ouvriers maison » qui sâestiment menacĂ©s » par la prĂ©sence des ouvriers extĂ©rieurs LĂ , vous avez plus la loi. Câest la sousâtraitance qui fait la loi Ă bord du bateau. Ăa fait bizarre dâailleurs. Avoir connu le Chantier avec Ă©normĂ©ment de gens, le Chantier avait toujours travaillĂ© avec des sousâtraitants, il y a toujours eu des sousâtraitants mais pas dans des proportions comme câest rendu actuellement, câest fou SĂ©bastien, 45 ans, soudeur maison ». 39La sousâtraitance est critiquĂ©e Ă cause de lâampleur quâelle a prise sur le site ; elle est perçue par les ouvriers de lâentreprise donneuse dâordres comme un cancer » Pernot, 2008, qui remet en cause leur emploi ou, tout du moins, qui le dĂ©stabilise. Les ouvriers maison » disposent dâun statut dâemploi favorable, marquĂ© par la stabilitĂ© et la pĂ©rennitĂ©, mais ils estiment que les ouvriers sousâtraitants empiĂštent sur leurs activitĂ©s et que le recours Ă la sousâtraitance va conduire progressivement Ă la disparition du noyau stable » aux chantiers navals. Ce sentiment dâincertitude du lendemain, partagĂ© par une partie des ouvriers, est directement liĂ© Ă la prĂ©sence des ouvriers sousâtraitants sur leur site. Ils estiment que ce sont les transformations des modes de gestion de la mainâdâĆuvre, et donc le recours massif Ă la sousâtraitance, qui contribuent au grignotage de leur statut » Linhart & Maruani, 1982. Ils suggĂšrent leur peur dâĂȘtre exclus du statut favorable et privilĂ©giĂ© » liĂ© Ă leur appartenance Ă lâentreprise donneuse dâordres Lorsque je vois le Chantier ĂȘtre comme il est actuellement⊠Câest sousâtraitĂ© Ă©normĂ©ment, excessivement je dirais mĂȘme. Il y a pourtant du savoirâfaire dans le bassin nazairien. â Vous trouvez que câest trop sousâtraitĂ© ? ComplĂštement. [âŠ] Moi, quand jâai commencĂ©, on faisait un navire par an. Câest pas un grand navire mais il y avait pas mal de monde Ă travailler aux Chantiers. Je nâai pas les chiffres ni rien. Je suis pas PDG, ni quoi que ce soit ! Maintenant, il y a des annĂ©es oĂč on a sorti entre quatre et cinq navires par an. â Câest pour ça quâils sousâtraitent beaucoup ? Il y a de la sousâtraitance Ă outrance. Mais le fait de sousâtraiter, en revenant un peu Ă nos qualifications, on les perd. Pourquoi ? Parce que du jour au lendemain, pas mal de personnes changent de poste. Dans le travail mais sans forcĂ©ment profiter du bĂ©nĂ©fice du changement de poste. CâestâĂ âdire changer dâĂ©chelon ou de catĂ©gorie Thomas, 40 ans, serrurier maison ». 40Cette forme dâincertitude caractĂ©rise plus spĂ©cifiquement les ouvriers maison » aux trajectoires professionnelles morcelĂ©es. Thomas sâest insĂ©rĂ© tardivement dans lâemploi stable aprĂšs avoir fait lâexpĂ©rience de plusieurs Ă©checs pour intĂ©grer lâentreprise gĂ©nĂ©rale. Il exprime ici le sentiment de dĂ©stabilisation des ouvriers maison » et souligne aussi les transformations du travail que la sousâtraitance implique. Selon lui, la polyvalence exigĂ©e des ouvriers visâĂ âvis des postes de travail a des effets pervers sur les qualifications ouvriĂšres. JeanâMarie Pernot a dâailleurs montrĂ© que le sentiment de dĂ©qualification est vif pour une partie des ouvriers de lâentreprise, mutĂ©s Ă dâautres postes parce que certains secteurs sont entiĂšrement sousâtraitĂ©s. Il cite un ouvrier syndiquĂ© CGT qui exprime sa nostalgie du mĂ©tier » On a tous Ă©tĂ© mutĂ©s dans un autre secteur du chantier, on a dĂ» changer de mĂ©tier, il y a pas mal dâamertume. MĂȘme avec des conditions de travail difficiles, les salariĂ©s sont fiers, ils ont une certaine fiertĂ© de leur mĂ©tier » Pernot, 2008. 18 . Ce sentiment pourrait ĂȘtre comparĂ© Ă ce que vivent les reclus Ă©tudiĂ©s par Erving Goffman peur ... 41Les ouvriers maison » aux chantiers navals paraissent donc inquiets du dĂ©veloppement de la sousâtraitance parce que les activitĂ©s sousâtraitĂ©es empiĂštent sur celles des salariĂ©s du donneur dâordres mais aussi car la sousâtraitance implique polyvalence et diversification du travail ouvrier. La sousâtraitance est ainsi perçue comme minant leurs privilĂšges » en empiĂ©tant sur leurs activitĂ©s18. De la contestation du management au racisme comme expressions de rĂ©sistance de la part des ouvriers maison » ? 42Cette expression dâincertitude de la part des ouvriers maison » est encore plus vive lorsquâil sâagit de la sousâtraitance Ă©trangĂšre. Les ouvriers estiment quâil existe une contradiction entre le recours Ă la mainâdâĆuvre Ă©trangĂšre et la lutte contre le chĂŽmage en France. Le sentiment que les Ă©trangers volent » des emplois aux ouvriers nationaux est fort chez une partie des ouvriers LĂ âdessus, quelque part, câest peutâĂȘtre malheureux de penser comme ça, mais justement, quand on a des enfants, quand on voit le taux de chĂŽmage quâon a en France qui est Ă©levĂ©, et on fait venir de la mainâdâĆuvre Ă©trangĂšre⊠Quelque part, on nâarrive pas forcĂ©ment Ă comprendre non plus comment ça se fait. On sait bien pourquoi câest pour le moindre coĂ»t [rires] ! Mais lĂ , je trouve pas ça normal quâactuellement on puisse faire des trucs pareils. Quand, en France, le taux de chĂŽmage il est Ă 10 %, jâestime que câest pas normal de faire venir des Ă©trangers. MalgrĂ© quâils ont le droit de casser la croĂ»te, câest pas le truc, mais il faudrait un taux de chĂŽmage presque nul pour quâon puisse faire pareil avec tout le monde. Parce que⊠Dans les chĂŽmeurs, il y en a peutâĂȘtre qui ne veulent pas travailler, mais je pense pas tout le monde quand mĂȘme. Tout le monde a besoin de travailler et lĂ âdessus, je ne suis pas dâaccord du tout. â Câest Ă©galement lâavis de certains collĂšgues ? Oh oui, oui ! Je ne suis pas le seul Ă penser comme ça Roger, 50 ans, Ă©lectricien maison ». Câest clair que les salariĂ©s de la rĂ©gion aujourdâhui trouvent ça parfaitement scandaleux. Non pas quâils en veuillent aux salariĂ©s Ă©trangers ils subissent les choses comme nous. Mais ils trouvent ça scandaleux dâaller chercher des salariĂ©s dans des pays lointains, qui sont payĂ©s trois francs-six sous, et qui ont des conditions de travail qui sont abominables. Alors quâĂ la porte, yâa des centaines de milliers de Français qui sont au chĂŽmage et que, si lâentreprise faisait lâeffort, certes financier, parce que ce serait un effort financier de le faire, on le reconnaĂźt parfaitement, mais on le dit Ă la direction Faites lâeffort financier pour former des gens qui sont aujourdâhui chĂŽmeurs sur la place de Saint-Nazaire. » Bien sĂ»r, ils sont pas tous soudeurs, Ă©lectriciens ou je sais pas quoi ! Mais faites lâeffort de les former et derriĂšre on pourrait les embaucher et ils seront tout aussi efficaces. Alors, Ă©videmment, câest un effort financier Jean-Michel, 45 ans, dessinateur maison », Ă©lu FO. 19 . Par exemple, lors dâentretiens, des ouvriers Chantiers ont dĂ©crit les inscriptions dans les toile ... 43Ces deux salariĂ©s expriment leur incomprĂ©hension visâĂ âvis du recours Ă la mainâdâĆuvre Ă©trangĂšre alors que lâemploi apparait incertain et quâils sentent peser la menace du chĂŽmage. Ils tentent cependant de nuancer leurs discours en rappelant quâils ne blĂąment pas directement les ouvriers Ă©trangers mais bien les entreprises qui utilisent cette mainâdâĆuvre Ă©trangĂšre. Le discours de ces travailleurs maison » sur le recours Ă la sousâtraitance Ă©trangĂšre met en exergue toute la complexitĂ© des interdĂ©pendances entre des ouvriers aux statuts diffĂ©rents, contraints de participer Ă la mĂȘme production, dans un mĂȘme espace de travail. Alors quâil sâagissait dâun groupe solidement ancrĂ©, bĂ©nĂ©ficiant dâune position favorable au sein du monde ouvrier et de toute une gamme de privilĂšges, le rapport au travail des ouvriers maison » est reconfigurĂ© par ces nouvelles » relations de travail. Les craintes et la mĂ©fiance des ouvriers maison » Ă lâĂ©gard de la sousâtraitance Ă©trangĂšre nous invitent Ă poser la question du rĂŽle Ă©ventuel du processus de mise en concurrence entre les diverses catĂ©gories dâouvriers sur le racisme et la xĂ©nophobie au travail. Des formes de racisme se sont effectivement dĂ©veloppĂ©es aux chantiers navals. La mise en avant du chĂŽmage sur la place de SaintâNazaire » pour critiquer la prĂ©sence des Ă©trangers en tĂ©moigne. Si certains ouvriers ont parfois Ă©voquĂ© le racisme aux chantiers navals sous la forme de remarques sur certaines insultes racistes rĂ©digĂ©es dans les toilettes19, nous nâavons pas observĂ© directement ces pratiques et lâon sait que dans les entretiens, lâapprĂ©hension des relations interethniques en chantier nâest pas plus aisĂ©e entre celuiâci qui pose quâil nây a guĂšre que quelques interpellations ethnicisantes, qui ne sont pas mĂ©chantes », et celuiâlĂ qui soutient que le racisme gouverne les chantiers, il ne peut ĂȘtre question de saisir un juste milieu, mais seulement de restituer la situation qui peut faire dire lâun et lâautre » Jounin, 2004, p. 112. En revanche, on peut constater que le racisme ou les sentiments xĂ©nophobes dâune frange des ouvriers maison » renvoie Ă la maniĂšre dont ils tentent de dĂ©fendre leur position â leur emploi, leur travail. Ainsi, cette hostilitĂ© est dĂ©pendante de » la peur qui les tenaille dâĂȘtre prĂ©cipitĂ©s dans une dĂ©chĂ©ance sociale insupportable pour ceux qui, il y a vingt ans, pensaient monter » Beaud & Pialoux, 2004, p. 408. En effet, comme lâont montrĂ© StĂ©phane Beaud & Michel Pialoux, ce que vivent les ouvriers et employĂ©s dâaujourdâhui, câest dâabord et avant tout la confrontation au jour le jour Ă des formes accrues de concurrence qui se sont massivement dĂ©veloppĂ©es » 2009, p. 96. Cette mise en concurrence, sur laquelle lâentreprise sâappuie tout particuliĂšrement pour gagner en productivitĂ©, exacerbe certaines tensions racistes. Pour une partie des ouvriers maison », le rejet de la prĂ©sence des ouvriers Ă©trangers, incarnĂ©s par lâimage de lâouvrier polonais », prend des formes vives. Mais, dans lâensemble, le discours des ouvriers tend plutĂŽt Ă dĂ©noncer lâorganisation de la production aux chantiers navals. Ce sont ces politiques de gestion de la mainâdâĆuvre qui suscitent une sorte de rejet des ouvriers Ă©trangers. Le discours dâAkim est, Ă cet Ă©gard, trĂšs Ă©clairant [âŠ] Mais cette tensionâlĂ entre Ă©trangers et⊠nâest pas du tout comme dans lâancien temps, les Ă©trangers dehors et tout ça. Ce qui est mal vĂ©cu câest quâils fassent dix heures, onze heures par jour, et quâils soient pas chers payĂ©s. â Donc câest plus de la solidaritĂ© ? Câest pas mĂ©chant contre eux, câest mĂ©chant contre lâadministration. Le fonctionnement de lâentreprise, câest politique. Quand vous voyez, par exemple, quâils sont Ă peine payĂ©s pour le mĂȘme travail⊠Que les sousâtraitants viennent travailler, câest pas le problĂšme, mais on va dire, ce sera payĂ© Ă bols de riz. Donc câest ça qui cause la tension. Ce qui est dommage parce que dans le bassin nazairien, le racisme est trĂšs peu frĂ©quentĂ©, trĂšs faible. Et ce genre de trucs risque de⊠Akim, 30 ans, charpentier fer maison ». 20 . Lors des derniĂšres Ă©lections municipales mars 2014, le Front National a progressĂ© Ă SaintâNazai ... 44Akim rappelle que le vote Front National demeure assez faible parmi les ouvriers nazairiens. Sâil progresse aussi Ă SaintâNazaire20, le vote en faveur du Front National reste enâdessous des moyennes nationales et, chez les ouvriers, il semble que le vote Front de Gauche progresse tout autant. En sâalarmant Ă propos des tensions xĂ©nophobes quâil observe, ce jeune ouvrier exprime toute lâambigĂŒitĂ© des ouvriers maison » visâĂ âvis du recours Ă la mainâdâĆuvre Ă©trangĂšre dâune part, les ouvriers Ă©trangers sont soupçonnĂ©s de voler » les emplois des ouvriers nationaux, mais, dâautre part, les salariĂ©s maison » accusent lâentreprise dâ exploiter » les ouvriers Ă©trangers, dont les conditions de travail sont rĂ©putĂ©es mauvaises Les Polonais, on les voit porter des tuyaux sur le dos ! On est plus en 1900 ! Et on voit ça arriver Pierre, 40 ans, Ă©lectricien maison ». 21 . Voir lâannexe Ă©lectronique 3, Extraits dâentretien avec Michel, 58 ans, technicien âmaisonâ et ... 45Dâune certaine maniĂšre, les ouvriers maison » expriment aussi de formes de soutien envers les ouvriers Ă©trangers payĂ©s Ă bols de riz » pour reprendre lâexpression dâun ouvrier, mĂȘme sâils sont peu investis dans les mobilisations et dĂ©brayages menĂ©s pour amĂ©liorer les conditions dâemploi et de travail des Ă©trangers. LâambigĂŒitĂ© des ouvriers maison » concernant la prĂ©sence des ouvriers Ă©trangers sur le site montre que le racisme prend des formes diffĂ©rentes de celles mises au jour par Nicolas Jounin parmi les ouvriers du bĂątiment Jounin, 2004 ; 2008 plus contenue » et diffuse, lâexpression de racisme ne sâobserve pas concrĂštement dans les interpellations et conversations entre ouvriers ou dans une ethnicisation radicale des rapports sociaux. Il nâempĂȘche que les formes de xĂ©nophobie observĂ©es ne cessent dâinquiĂ©ter les syndicalistes qui tentent dâapaiser les relations entre ouvriers21 Mais en fait, le problĂšme, et câest pour ça quâon sait jamais trop sur quel pied danser, câest que, plus on parle des Indiens, des Polonais, plus on parle dâeux⊠plus on en fait un problĂšme », tu vois ? Et le rĂ©flexe xĂ©nophobe est rapide. Les gars, quand ils apprennent les chiffres, le nombre dâĂ©trangers sur le site⊠ils pensent quâils ont des amis, de la famille au chĂŽmage⊠et on tombe tout de suite dans la xĂ©nophobie ! Câest hyper compliquĂ© pour nous du coup⊠Michel, 58 ans, technicien maison », responsable CFDT. 46Comme lâa montrĂ© Maryse Tripier, le racisme ouvrier semble peu idĂ©ologique et est fortement marquĂ© par le sentiment de la concurrence des Ă©chelles de lĂ©gitimitĂ© » Tripier, 2004, p. 186. Aux chantiers navals, les expressions de racisme ne sâobservent pas tant dans une idĂ©ologie ou un vote Front National que dans le sentiment de mise en concurrence des diffĂ©rents segments ouvriers et dans les formes de dĂ©valorisation rĂ©ciproque qui en dĂ©coulent. Il peut alors ĂȘtre analysĂ© comme un effet du sentiment de prĂ©carisation des ouvriers statutaires dans cette entreprise Ouali, 2009. De ce fait, lâattitude des ouvriers » maison » Ă lâĂ©gard des ouvriers sousâtraitants, et surtout des sousâtraitants Ă©trangers, peut ĂȘtre comparĂ©e au ressentiment » des employĂ©es de la CPAM Ă©tudiĂ©es par Sacha Leduc pour lesquelles le ressentiment collectif observĂ© est lâexpression dâun sentiment partagĂ© dâinjustice quâĂ©prouve un groupe social par la dĂ©gradation progressive de son statut, et qui se sent dĂ©possĂ©dĂ© par un autre groupe social de ses bĂ©nĂ©fices antĂ©rieurs » Leduc, 2008, p. 113. Les ouvriers sousâtraitants, et plus particuliĂšrement les Ă©trangers, ne partagent pas le statut et les conditions dâemploi des ouvriers maison » et ils ne tirent pas non plus de leur position des bĂ©nĂ©fices que nâauraient pas les ouvriers maison ». Pourtant, pour ces derniers, les sousâtraitants dĂ©gradent leur situation ils les dĂ©possĂšdent dâun certain savoirâfaire, de qualifications particuliĂšres et du prestige dâappartenir Ă une entreprise qui bĂ©nĂ©ficie dâune image et dâune production valorisĂ©es. Leur sentiment de dĂ©possession est renforcĂ© par la dĂ©valorisation et disqualification des ouvriers maison » par les travailleurs extĂ©rieurs. Conclusion 47Lâanalyse proposĂ©e ici des effets de la sousâtraitance sur la configuration du monde ouvrier contemporain, Ă partir du cas dâun chantier naval, montre le caractĂšre structurant des inĂ©galitĂ©s de conditions dâemploi. En effet, les transformations des modes de gestion de mainâdâĆuvre dans lâindustrie produisent des interdĂ©pendances complexes et ambivalentes entre les segments ouvriers. Ainsi, bien quâune coopĂ©ration technique et matĂ©rielle apparaisse entre ces diffĂ©rents segments ouvriers, leurs relations prennent principalement la forme dâune dĂ©valorisation rĂ©ciproque. Puisque les ouvriers maison » sâestiment menacĂ©s » par la prĂ©sence des ouvriers sousâtraitants, ils les stigmatisent pour se rĂ©affirmer comme Ă©tablis » aux chantiers navals de SaintâNazaire. En effet, Ă tort ou Ă raison, et comme bien dâautres groupes semblables, ils se croyaient exposĂ©s Ă une attaque sur trois fronts contre leur monopole du pouvoir, contre leur charisme collectif et contre leurs normes collectives » Elias & Scotson, 1997, p. 86. Dans le discours des ouvriers, on perçoit ce sentiment de menace » qui pĂšserait sur leurs qualifications, sur leurs emplois, sur le prestige de leur travail issu dâun savoirâfaire que les sousâtraitants nâauraient pas. En dĂ©valorisant les ouvriers extĂ©rieurs, et tout particuliĂšrement les ouvriers Ă©trangers, les ouvriers maison » souhaitent donc rĂ©sister aux Ă©volutions des modes de gestion de mainâdâĆuvre et câest ce qui vient alimenter une forme de xĂ©nophobie ouvriĂšre. Cependant, lâanalyse de ces relations ouvriĂšres montre aussi, et cela en constitue un trait saillant, que les ouvriers extĂ©rieurs, souvent perçus comme une mainâdâĆuvre invisible et prĂ©caire, ne sont pas sans ressources pour faire face Ă cette dĂ©valorisation ils ont Ă©galement une reprĂ©sentation nĂ©gative des ouvriers maison » qui alimente en retour le sentiment de disqualification de ces derniers. Sâexerce ainsi une forme de mĂ©pris croisĂ© que lâon observe en dâautres lieux du monde du travail. Deux remarques peuvent dĂ©couler de ces constats. En premier lieu, la rĂ©ciprocitĂ© des mĂ©canismes de dĂ©valorisation entre les segments ouvriers nous invite, comme le fait Hughes, Ă ne pas penser que chacun des groupes mĂšne une existence assez autonome pour ĂȘtre Ă©tudiĂ© sans rĂ©fĂ©rences aux autres groupes qui lâentourent » Hughes, 1996, p. 205. Ce sont les interdĂ©pendances entre les groupes en prĂ©sence qui permettent, au contraire, dâapprĂ©hender la configuration du monde ouvrier. Ensuite, lâanalyse des relations de travail entre les ouvriers maison » et les ouvriers de la sousâtraitance rappelle quâĂ©tudier le monde ouvrier aujourdâhui, ce nâest pas seulement regarder du cĂŽtĂ© de lâemploi. La dĂ©stabilisation des stables » sâĂ©prouve aussi Ă partir du rapport au travail des ouvriers, dont les relations de travail sont partie prenante. Ainsi, si les ouvriers maison » expriment des craintes par rapport Ă la sousâtraitance, en particulier Ă©trangĂšre, ils en retirent aussi un sentiment aigu de supĂ©rioritĂ© technique, mais aussi sociale », puisquâils dĂ©tiennent les attributs dâune aristocratie ouvriĂšre par rapport aux autres franges dâouvriers avec lesquels ils cohabitent. Uneculture ancienne - les premier chantiers navals s'installent dans la citĂ© en 1622 - , qui s'est dĂ©veloppĂ©e au fil du temps, constituant le poumon Ă©conomique de la ville. Avec la crise de la construction navale en MĂ©diterranĂ©e, l'histoire prend brutalement fin en 1988 suite Ă la dĂ©cision de la Commission europĂ©enne et du Informations pratiques PrĂ©sentation ActualitĂ©s Plan Y Acceder Avis Je veux y aller ! Connectez-vous pour voir vos amis qui veulent y aller. Ouvert samedi 1530 â 2200 lundi FermĂ©mardi 1530 â 2200mercredi 1530 â 2200jeudi 1530 â 2200vendredi 1530 â 2200samedi 1530 â 2200dimanche FermĂ© dimanche 15H 28° lundi 15H 27° mardi 15H 27° Depuis 2013, l'association, soutenue par la ville de La Ciotat, dispose d'un local ouvert au public sur l'histoire de la construction navale. Cet espace, installĂ© sur le Port-vieux Ă proximitĂ© du site naval dans l'ancien bĂątiment de l'armement, offre gratuitement aux Ciotadens et aux visiteurs de passage un programme d'expositions, de confĂ©rences et de projections de films traitant des activitĂ©s maritimes d'hier et d'aujourd'hui. derniĂšre mise Ă jour 20/05/2019 On en parle sur Carte interactive Ă proximitĂ© 069 - LA CIOTAT MARSEILLE 072 - LA CIOTAT AIX EN PROVENCE par AUBAGNE 228 - CEYRESTE LA CIOTAT SAINT CYR MER 228 - CEYRESTE LA CIOTAT SAINT CYR MER 069 - LA CIOTAT MARSEILLE 072 - LA CIOTAT AIX EN PROVENCE par AUBAGNE 069 - LA CIOTAT MARSEILLE 072 - LA CIOTAT AIX EN PROVENCE par AUBAGNE aJQs1.