JosephEdouard Vence Chantier naval La Ciotat MAISON DE LA CONSTRUCTION NAVALE J.E. VENCE - L.BENET mardi 29 septembre 2020. PROGRAMME D'ACTIVITÉ OCTOBRE NOVEMBRE
Venez dĂ©couvrir le patrimoine industriel naval, avec une visite des chantiers et projections de films **De 9h Ă  12h** Dans le cadre de la 35e Ă©dition des JournĂ©es du Patrimoine, une visite du site des chantiers couplĂ©e Ă  un diaporama commentĂ© traitant de l’histoire de la construction navale Ă  La Ciotat, de ses origines Ă  aujourd’hui. Public Ă  partir de 12 ans. Sur inscription uniquement. **Projections Ă  partir de 15h** **15h00** Comment naissent les bateaux » 15mm **15H30** le Monterrey » 17mm **16h00** histoire de lancements 55mm Inscriptions obligatoires pour les deux actions Ă  la Maison de la Construction Navale au - Renseignements service des Archives 04 42 08 88 56 [Source MinistĂšre de la Culture] Horaires 15/09 de 9h00 Ă  12h0015/09 de 15h00 Ă  17h00 Maison de la construction navale - En savoir plus sur le lieu Maison de la construction navale de La Ciotat,depuis septembre 2013, l'association VENCE, soutenue par la ville de La Ciotat,bĂ©nĂ©ficie d'un local ouvert au public sur l'histoire de la construction navale,sur le vieux port Ă  proximitĂ© du site naval. Des expos, des confĂ©rences, des projections de films sont offerts aux ciotadens et aux visiteurs. JournĂ©es EuropĂ©ennes du Patrimoine 2018 ThĂšmes MusĂ©e, salle d'exposition Adresse Maison de la construction navale; 46 Boulevard François Mitterand prolongĂ© - 13 600 13600 La Ciotat EvĂ©nement proposĂ© dans le cadre des JournĂ©es du Patrimoine 2018 Source MinistĂšre de la Culture et de la Communication /
Lesplaisanciers de La Ciotat vent debout contre la hausse de la redevance bloquĂ© La Ciotat shipyards lance la construction de nouveaux bassins de rĂ©tention . industries navales; mĂ©gayachts ; la ciotat shipyards; PubliĂ© le 02/12/2021 11:36 Mis Ă  jour le 02/12/2021 19:47. bloquĂ© Reportage | Derniers rĂ©glages sur l’« Alfred Merlin » avant sa

Lisez tous les articles premiums avec votre abonnement numĂ©rique S'abonner Ă  1€ jeudi 08/07/2021 Ă  09h16 - Mis Ă  jour Ă  09h17 Économie La Ciotat Des visites sont organisĂ©es pour immerger le public dans l'histoire du site Photos 1/2 Un bus privĂ© dĂ©pose le public sur le site des chantiers navals 2/2 Un diaporama commentĂ© sur l'histoire de la construction navale est diffusĂ© avant le dĂ©part sur le site. Elles sont toujours complĂštes et il faut s'y prendre Ă  l'avance pour espĂ©rer dĂ©crocher sa place. Les visites du site des chantiers navals, organisĂ©es par les archives municipales et la Maison de la construction navale, visent Ă  sauvegarder et promouvoir la mĂ©moire. Au sein de la Maison de la construction navale, un diaporama commentĂ© sur l'histoire de la construction navale est diffusĂ© avant le dĂ©part en bus pour le site. Des images et vidĂ©os d'archives qui permettent de replonger dans cette Ă©poque. "Les premiers chantiers ont vu le jour en 1660", expliquent les agents du pĂŽle transmission de la mĂ©moire du service des archives, en charge de l'animation. À l'Ă©cran, la citĂ© ouvriĂšre dont il ne reste rien aujourd'hui, les grĂšves des ouvriers ou encore des por Il vous reste 84% Ă  lire. DĂ©jĂ  abonnĂ© ? Se connecter Comment accĂ©der Ă  cet article ?

Samedi6 Novembre 2021 Maison de la Construction Navale 9h à 12h. Sur inscription. Nombre limité selon les rÚgles sanitaires en vigueur (Pass sanitaire obligatoire) Renseignements et inscriptions Maison de la construction navale (46 Quai François-Mitterrand prolongé) 04 42 08 65 23 mcn.laciotat@ juillet, 2022 juin,
Depuis septembre 2013, la Ville de La Ciotat, en collaboration avec l'association Maison de la Construction Navale J E. Vence/L. Benet, propose gratuitement aux Ciotadens et aux visiteurs de passage, des expositions, des confĂ©rences et des projections de films sur l'histoire de la construction navale, traitant des activitĂ©s maritimes d’hier et d’aujourd’hui. L'association Maison de la Construction Navale J E. Vence/L. Benet a pour but de rechercher, restaurer, sauvegarder et promouvoir la mĂ©moire de la construction navale Ă  La Ciotat et les activitĂ©s de reconversion du site naval RĂ©paration de haute plaisanceElle agit par le moyenD'expositions. De diaporamas et vidĂ©o-projections. De publication d'ouvrages. D'organisation de visites des chantiers pour les scolaires et les adultes. De la numĂ©risation des clichĂ©s et documents de fonds publics et privĂ©s. De la participation aux diverses manifestations de la ville. Horaires d'ouvertureLunMarMerJeuVenSamDim Horaire d'Ă©tĂ© 2022 Pendant les mois de juillet et d'aoĂ»t la MCN est ouverte du mardi au samedi de 15h30 Ă  22h.
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LaSociété provençale de constructions aéronautiques était une entreprise destinée à construire des hydravions. Elle fut fondée par l'armateur Georges Philippar et l' ingénieur aéronautique Laurent-Dominique Santoni le 12 juin 1925 à La Ciotat 1 . Cette compagnie était une filiale de la Société provençale de constructions navales
Horaires d'ouvertureLunMarMerJeuVenSamDim Horaire d'été 2022 Pendant les mois de juillet et d'août la MCN est ouverte du mardi au samedi de 15h30 à 22h.
Vouscherchez un professionnel domiciliĂ© 46 quai ai francois mitterrand Ă  La Ciotat ? Toutes les sociĂ©tĂ©s Ă  cette adresse sont rĂ©fĂ©rencĂ©es sur l’annuaire Hoodspot ! Trier par. Filtrer par. activitĂ©. rĂ©paration et maintenance navale (16) constructeur de bateaux de plaisance (6) Ă©tudes techniques (4) associations (3) constructions navales et fluviales

Excursion nature et patrimoine Port Vieux, quai François Mitterrand, Maison de la construction Navale de La Ciotat, 17 septembre 2022, La Ciotat. Excursion nature et patrimoine Dimanche 18 septembre, 00h00, 10h30 Port Vieux, quai François Mitterrand, Maison de la construction Navale de La Ciotat Balade gratuite sur inscription Atelier Bleu Balade guidĂ©e reliant le centre-ville et la nature. ThĂšme patrimoine historique et naturel. Port Vieux, quai François Mitterrand, Maison de la construction Navale de La Ciotat La Ciotat La Ciotat 13600 Bouches-du-RhĂŽne Provence-Alpes-CĂŽte d’Azur Dates et horaires de dĂ©but et de fin annĂ©e – mois – jour – heure 2022-09-18T000000+0200 2022-09-18T180000+0200 Cliquez ici pour ajouter gratuitement un Ă©vĂ©nement dans cet agenda Port Vieux, quai François Mitterrand, Maison de la construction Navale de La Ciotat La Ciotat Bouches-du-RhĂŽne La Ciotat Bouches-du-RhĂŽne La Ciotat Bouches-du-RhĂŽne

Lesarchives par sujet : Maison du bouche ancien lit de la Durance. Le village est la limite entre les deux. Ses vieilles maisons encerclent l'Abbaye du XIIIe siĂšcle, occupĂ©e jadis par les Dames Abbesses. Vous passerez au pied du cheval de pierre, avant de rentrer face aux Alpilles, par des chemins oĂč coulent encore quelques sources appelĂ©es "les
1 . Je remercie Pascal Barbier, Lise Bernard, Muriel Letrait, Jasmina Stevanovic ainsi que les lecteu ... 1 ÉclatĂ© », fragmentĂ© », dĂ©suni », disqualifiĂ© », balkanisĂ© » les qualificatifs ne manquent pas pour dĂ©crire la dĂ©structuration d’un groupe ouvrier aujourd’hui affaibli par l’hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© des statuts professionnels, les transformations des mĂ©thodes de travail, la remise en cause syndicale, les conflits entre gĂ©nĂ©rations et les mĂ©canismes de mise en concurrence des salariĂ©s Beaud & Pialoux, 20041. Les formes d’organisation du travail et de gestion de la main‑d’Ɠuvre participent Ă  la fragmentation des conditions ouvriĂšres. Parmi elles, la sous‑traitance constitue une dimension centrale de ces processus de segmentation en opposant les ouvriers intĂ©grĂ©s » du cƓur » aux salariĂ©s de la pĂ©riphĂ©rie » Linhart & Maruani, 1982 ; Castel, 1995, souvent exclus du statut souvent plus avantageux prĂ©vu par la convention collective ou l’accord d’entreprise [de l’entreprise gĂ©nĂ©rale] » Boltanski & Chiapello, 1999, p. 328. Son usage tient, pour les entreprises, Ă  la recherche d’une flexibilitĂ© qui s’accompagne gĂ©nĂ©ralement d’une prĂ©carisation de l’emploi pour les travailleurs sous‑traitants voir, entre autres, Gorgeu & Mathieu, 1992 ; ThĂ©baud‑Mony, 2000 ; Jounin, 2008. Les auteurs qui se sont intĂ©ressĂ©s aux travailleurs de la sous‑traitance ont insistĂ© sur les mĂ©thodes plus dures de gestion de la main‑d’Ɠuvre » dans les entreprises sous‑traitantes Beaud & Pialoux, 2003, p. 127, lieux d’innovation organisationnelle et sociale » Gorgeu & Mathieu, 1992. Les sous‑traitants occupent souvent des postes de travail jugĂ©s infĂ©rieurs Ă  ceux qui sont occupĂ©s par les salariĂ©s maison », des postes exposant Ă  des conditions de travail plus difficiles Fournier, 2012 ; ThĂ©baud‑Mony, 2000 ; Jounin, 2008. Au total, dans les travaux sur la sous‑traitance industrielle ThĂ©baud-Mony, 2000 ; Morin, 1997 ; Gorgeu & Mathieu, 2005, la condition ouvriĂšre dans la sous‑traitance s’apparente Ă  ce que Serge Paugam nomme l’intĂ©gration professionnelle disqualifiante », car elle cumule des conditions d’emploi instables et peu de satisfactions au travail Paugam, 2008. Mais la sous-traitance a Ă©galement des effets sur l’intĂ©gration professionnelle » des ouvriers les plus stables, ceux du cƓur, la cohabitation de segments ouvriers aux statuts d’emploi diffĂ©renciĂ©s pouvant affecter leur rapport au travail et leur rapport Ă  l’emploi. La prĂ©sence des temporaires effectuant des tĂąches trĂšs voisines peut ainsi ĂȘtre vĂ©cue par les permanents » comme une remise en cause de leur identitĂ© sociale et professionnelle voir entre autres Papinot, 2009 ; Beaud & Pialoux, 2004 ; Mashkova, 2008 qui vient exacerber les jalousies et concurrences au travail » Beaud & Pialoux, 2004, p. 166. Cohabiter avec des ouvriers extĂ©rieurs rend tangible le risque de prĂ©carisation et peut contribuer au processus de dĂ©stabilisation des stables » Castel, 1995. 2 . Nous proposons, au contraire, de rompre avec l’idĂ©e rĂ©pandue d’une sorte de discontinuitĂ© radi ... 3 . Cette diffĂ©rence de rĂ©ception de l’enquĂȘte selon les sous‑groupes ouvriers en prĂ©sence donnait dĂ© ... 2Dans le prolongement des travaux sur la multiplication des statuts dans l’industrie, l’objectif de cet article est d’analyser les effets de la coprĂ©sence d’ouvriers sous‑traitants et d’ouvriers maison » sur la configuration du monde ouvrier Ă  partir du cas des chantiers navals de Saint‑Nazaire, un cas particuliĂšrement reprĂ©sentatif de la complexitĂ© dans les modes de gestion de la main‑d’Ɠuvre ouvriĂšre aujourd’hui cf. encadrĂ©. Aux chantiers navals, cohabitent, dans un mĂȘme espace de travail, des ouvriers maison » au statut professionnel plutĂŽt favorable et des ouvriers sous‑traitants qui apparaissent moins bien lotis. Les premiers incarnent la permanence d’une aristocratie ouvriĂšre ils sont recrutĂ©s en CDI, leur salaire moyen est de 1 900 euros nets par mois en 2006 et ils bĂ©nĂ©ficient de primes variĂ©es. Ils exercent de plus des mĂ©tiers ouvriers traditionnels de la construction navale dont ils tirent une grande fiertĂ© charpentier fer, soudeur, traceur. Les seconds constituent un ensemble hĂ©tĂ©rogĂšne ils sont des ouvriers sous‑traitants français et des ouvriers sous‑traitants Ă©trangers, certains sont recrutĂ©s en CDI dans de grands groupes industriels offrant des statuts d’emploi et conditions salariales favorables lorsque d’autres travaillent comme intĂ©rimaires. Une partie d’entre eux, les Ă©trangers notamment, sont concernĂ©s par le sale boulot » Hughes, 1996 comme la peinture de la coque mĂ©tallique ou l’entretien des locaux, travaux trĂšs Ă©prouvants et dĂ©valorisĂ©s par les ouvriers maison ». À partir d’une enquĂȘte ethnographique dans cette entreprise voir l’encadrĂ©, notre objectif est d’étudier les interdĂ©pendances entre ces segments ouvriers en rompant avec l’opposition binaire stables » versus instables »2. Une telle dĂ©marche prĂ©sente Ă  nos yeux un double intĂ©rĂȘt celle, d’une part, de prendre la mesure de relations de travail complexes, façonnĂ©es Ă  la fois par le statut d’emploi et l’origine nationale ; celle, d’autre part, d’apprĂ©hender finement les effets dĂ©stabilisants de la sous-traitance sur les ouvriers stables ». Pour cela, nous Ă©tudierons les segmentations ouvriĂšres qui dĂ©coulent du dĂ©veloppement de la sous‑traitance en interrogeant les processus de hiĂ©rarchisation, les relations de travail, les luttes pour le pouvoir symbolique Hughes, 1996 ; Elias & Scotson, 1997 et la maniĂšre dont la gĂ©nĂ©ralisation de la sous‑traitance reconfigure le rapport Ă  l’emploi des ouvriers les plus stables bĂ©nĂ©ficiant d’un certain prestige symbolique et prĂ©sentant les attributs d’une aristocratie ouvriĂšre ». Quels sont les effets de la sous‑traitance sur les relations entre ouvriers ?3 Ces relations de travail fragilisent-elles les ouvriers les plus stables ? Participent-elles Ă  la dĂ©stabilisation des franges hautes du monde ouvrier ? Pour rĂ©pondre Ă  ces questions, l’article procĂšde en trois temps. En premier lieu, il Ă©tudie les formes de coopĂ©ration dans le travail dans un cadre de multiplicitĂ© des statuts et leurs effets de renforcement de la position des ouvriers maison ». Ensuite, il s’intĂ©resse aux conflits entre ouvriers maison » et ouvriers sous‑traitants, ainsi qu’entre ouvriers français et ouvriers Ă©trangers, et Ă  leurs effets de dĂ©valorisation mutuelle. Enfin, il propose d’analyser la maniĂšre dont ces relations de travail transforment le rapport Ă  l’emploi des ouvriers maison ». EncadrĂ© PrĂ©sentation du terrain d’enquĂȘte 4 . Voir l’annexe Ă©lectronique 1 Nombre estimĂ© de personnes sur le site des chantiers navals de 20 ... 5 . Voir l’annexe Ă©lectronique 2 Compte rendu d’observation des audits sociaux avec une responsable ... Aux chantiers navals, la gestion de la main-d’Ɠuvre repose sur un recours massif Ă  la sous‑traitance, nationale et Ă©trangĂšre. Jusqu’à 80 % de la production d’un navire des paquebots de luxe principalement y est sous‑traitĂ©e, dont 20 % environ Ă  des entreprises Ă©trangĂšres. Au total, prĂšs de 700 entreprises locales, nationales ou Ă©trangĂšres gravitent sur ce site industriel4. Or ces entreprises sous‑traitantes emploient 80 % d’ouvriers prĂ©caires, en CDD, en intĂ©rim, ou en CDIC Contrat Ă  DurĂ©e IndĂ©terminĂ©e de Chantier. Ce dernier contrat est une dĂ©rogation au droit du travail créée pour le BTP depuis les annĂ©es 1970, mais il n’est pas lĂ©gal dans le secteur mĂ©tallurgique » Lefebvre, 2005. Le recours Ă  la sous‑traitance n’est pas un phĂ©nomĂšne nouveau dans la construction navale, qui a toujours eu recours Ă  une sous‑traitance de charge » et Ă  une sous‑traitance dite de spĂ©cialitĂ© ». Cependant, Ă  partir de 1994, l’entreprise met en place une sous‑traitance globale » des lots entiers du navire sont sous‑traitĂ©s Ă  des entreprises qui sous‑traitent Ă  leur tour Ă  des entreprises de rang 2 » ou rang 3 ». La sous‑traitance devient entiĂšrement structurelle au dĂ©but des annĂ©es 2000. Cette sous‑traitance massive a d’ailleurs donnĂ© lieu Ă  des conflits sociaux importants, en particulier Ă  cause du non‑respect du droit du travail français au sein de certaines entreprises Ă©trangĂšres opĂ©rant en France. La gĂ©nĂ©ralisation de la sous‑traitance se matĂ©rialise rapidement sur le site numĂ©riquement, les sous‑traitants dominent les ouvriers maison ». Ils Ă©taient 13 099 en janvier 2003 lorsque la charge de travail Ă©tait trĂšs importante et se maintiennent autour de 7 000 travailleurs sous‑traitants entre 2004 et 2008, tandis que les effectifs ouvriers internes Ă  l’entreprise donneuse d’ordres sont passĂ©s de 2 770 en 1995 sur un total de 4 456 salariĂ©s dans l’entreprise, en incluant les cadres, agents de maĂźtrise et techniciens Ă  1 038 en 2007 sur 3 622 salariĂ©s. L’enquĂȘte ethnographique sur laquelle repose cet article a Ă©tĂ© menĂ©e de 2006 Ă  2011 aux chantiers navals. Les entretiens ethnographiques ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s avec des ouvriers maison » 33, des ouvriers sous‑traitants Ă©trangers 8 et des ouvriers sous‑traitants nationaux 5. Les conditions d’enquĂȘte ont favorisĂ© la rencontre d’ouvriers maison », plus enthousiastes envers la dĂ©marche d’enquĂȘte que les ouvriers sous‑traitants souvent mĂ©fiants5 en partie parce que l’enquĂȘte a Ă©tĂ© lancĂ©e Ă  une pĂ©riode oĂč des audits sociaux Ă©taient rĂ©alisĂ©s par les ressources humaines, afin de vĂ©rifier le respect du droit du travail français chez les sous‑traitants5. Cet enthousiasme des ouvriers maison » tient en partie Ă  un type d’insertion sur le terrain reposant assez largement sur des contacts personnels avec des salariĂ©s de l’entreprise donneuse d’ordres principalement des cadres. En plus de ces entretiens avec les ouvriers, une sĂ©rie d’entretiens a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e avec des cadres, superviseurs et techniciens maison » et sous‑traitants 10 afin de recueillir une connaissance indiciaire des conditions d’emploi et de travail des ouvriers de la sous‑traitance. Ces entretiens furent complĂ©tĂ©s par des observations dans la ville de Saint‑Nazaire et aux alentours du site industriel cafĂ©s, maison des syndicats, lors de dĂ©brayages, etc. et par des observations ponctuelles dans l’entreprise Ă  bord des navires en construction. Enfin, une analyse des documents d’entreprise bilans sociaux, tracts syndicaux, documents Ă  destination des managers, de la presse locale Ouest‑France, Presse OcĂ©an et de la presse spĂ©cialisĂ©e Mer et Marine, Le Marin, L’Usine nouvelle a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e. Ouvriers maison » et ouvriers sous‑traitants une nĂ©cessaire coopĂ©ration technique et matĂ©rielle 6 . Pierre Fournier montre que, dans l’industrie nuclĂ©aire, la coopĂ©ration est obligatoire dans le tr ... 3La description des relations de travail entre ouvriers sous‑traitants et ouvriers maison » dans l’industrie dĂ©voile souvent des tensions et des conflits. Aux chantiers navals, ces relations se traduisent d’abord par des formes de coopĂ©ration technique et matĂ©rielle. Contrairement aux usines automobiles par exemple, oĂč les sous-traitants disposent de leurs propres ateliers et sont peu en contact avec les ouvriers de l’entreprise gĂ©nĂ©rale Gorgeu & Mathieu, 2005, les ouvriers des chantiers navals sont tous dans le mĂȘme bateau » pour reprendre une expression frĂ©quemment entendue lors de l’enquĂȘte. Non seulement la coopĂ©ration technique est possible Ă  bord des navires, mais elle est obligatoire. Elle implique alors une nĂ©cessaire cohĂ©sion du groupe » Fournier, 2012, p. 1176. Ces relations de travail issues de la sous‑traitance impliquent des formes de coopĂ©ration inĂ©dites pour les ouvriers, en particulier du fait de la sous‑traitance Ă©trangĂšre. Dans l’ensemble cependant, cette coopĂ©ration tourne Ă  l’avantage des ouvriers maison ». Une coopĂ©ration technique par-delĂ  les problĂšmes de langue 4 Tous dans le mĂȘme bateau », une grande famille », ces formules utilisĂ©es par les ouvriers maison » et les ouvriers sous‑traitants semblent attĂ©nuer des diffĂ©rences de statuts et d’entreprises. L’image de la famille tend Ă  souligner la bonne ambiance » Ă  bord des navires qui se nourrit de la valorisation du travail effectuĂ©. Cette norme culturelle du comportement » au sein du monde ouvrier est fondĂ©e sur le goĂ»t du travail bien fait selon les critĂšres du groupe » Brochier, 2006, p. 530. Si certains rapportent au dĂ©part le peu de cohĂ©sion » entre les ouvriers maison » et les sous‑traitants, ils rendent aussi compte de l’obligation d’entraide » au nom de cette norme partagĂ©e du travail bien fait » dĂ©jĂ  mise en Ă©vidence par Christophe Brochier lors de l’étude des relations ouvriĂšres au sein d’une usine 2011, p. 23. Cette coopĂ©ration technique et matĂ©rielle Ă  bord des navires s’objective aussi dans le fait que les ouvriers d’équipes et d’entreprises diffĂ©rentes communiquent directement, sans nĂ©cessairement passer par leur supĂ©rieur hiĂ©rarchique On est toujours l’un Ă  cĂŽtĂ© des autres, s’il y a besoin d’un coup de main, un conseil ou autre. On est toujours en relation les uns avec les autres. MĂȘme au niveau des autres dĂ©partements, je sais pas, on a des fils qui passent
 on va voir, mĂȘme sans passer par la maĂźtrise, de bouche Ă  oreille entre compagnons, tiens, t’as un appareil Ă  poser lĂ  ? », oui », bon bah impeccable, on va pouvoir les dĂ©brouiller ». On attend qu’ils [les chefs] soient partis quand mĂȘme ! FrĂ©dĂ©ric, 43 ans, charpentier fer maison ». 7 . Le nombre d’ouvriers Ă©trangers travaillant aux chantiers navals a considĂ©rablement augmentĂ© en 20 ... 5Cette coopĂ©ration entre ouvriers maison » et sous‑traitants est facilitĂ©e lorsqu’il s’agit de sous‑traitants Ă©tablis de longue date sur le site industriel. Mais elle est plus complexe avec les sous‑traitants Ă©trangers, arrivĂ©s plus rĂ©cemment aux chantiers navals7. Afin de se coordonner en dĂ©pit des diffĂ©rences de langues, les ouvriers ont dĂ©veloppĂ© diffĂ©rentes techniques. Ils dessinent par exemple sur les cloisons ou la tĂŽle des petits dessins », croquis » ou crobards » afin de se comprendre. Les gestes, les mimes, les paroles avec les mains » et les dessins sont devenus des pratiques courantes aux chantiers navals car elles permettent aux ouvriers de nationalitĂ©s diffĂ©rentes de collaborer, comme l’expliquent ces deux ouvriers un sous‑traitant Ă©tranger et un maison » ‑ Du coup, Ă  bord, tout le monde parle sa langue ? On parle pas ! [rires] Avec les Italiens un peu. Eux ils parlent vite. ‑ Vous parlez en français ? Oui. Français, Allemagne, hongrois, croate, italien
 et on Ă©crit. ‑ On Ă©crit ? Sur la cloison. ‑ Pour parler du travail, vous Ă©crivez ? Pas besoin. ‑ Avec les mains ? Oui Brojan, 29 ans, moniteur, sous‑traitant, Croate. ‑ Mais quand vous avez besoin d’un truc, vous arrivez Ă  communiquer ? Oui. Bah nous directement on n’a pas directement affaire Ă  eux. Mais bon des fois on a un pont qui
 ça peut arriver, ils sont au‑dessus, nous on travaille en‑dessous et, quand on a besoin, bah on va les voir, pour parler on fait des traits sur la cloison ou
 Y’a des chefs qui parlent plus ou moins anglais alors on va les voir. Mais bon y’a la barriĂšre de la langue, on n’ira pas discuter avec les gars FrĂ©dĂ©ric, 43 ans, Ă©lectricien maison ». 6Si la langue reste un obstacle Ă  la coopĂ©ration entre sous‑traitants Ă©trangers et ouvriers nationaux, l’usage de l’anglais semble la faciliter. Pour cette raison, certaines entreprises Ă©trangĂšres ont recrutĂ© des traducteurs. Dans d’autres entreprises sous‑traitants, certains ouvriers Ă©trangers accĂšdent Ă  un statut de moniteur » pour gĂ©rer, dans les situations concrĂštes de travail, les interactions entre nationaux et Ă©trangers. Parce qu’ils parlent français ou anglais et peuvent donc communiquer avec les travailleurs nationaux, ces ouvriers Ă©trangers accĂšdent Ă  des positions de petits » chefs au sein de leurs Ă©quipes. La trajectoire de Brojan, un ouvrier sous‑traitant croate, illustre ce type de mobilitĂ© professionnelle sur le site depuis 2001, il a appris Ă  parler français en travaillant aux chantiers navals et est devenu moniteur en 2009 ‑ Tu aimes ton boulot ? Oui. Maintenant oui. ‑ Avant non ? Maintenant je suis
.. [Il cherche ses mots. Il finit par me faire des dessins sur un petit bout de papier pour m’expliquer sa position] ‑ D’accord. Donc tu fais le lien entre Alpha [entreprise sous‑traitante de rang 1] et tes collĂšgues ? Oui. [
] Et j’aime bien faire ça. Ils me cherchent s’il y a quelque chose et je dois expliquer Ă  eux. ‑ S’il y a des problĂšmes de travail ou des problĂšmes de logement ou
 Non. ‑ Juste pour le travail ? Oui, oui. ‑ Mais tu fais le mĂȘme travail qu’eux sinon ? Non, je fais rien. Je suis conducteur. Je cherche les gaines, le matĂ©riel. Et aprĂšs je peux parler Ă  eux [il me dĂ©signe le groupe d’ouvriers sur le dessin] et je peux parler avec lui [il me dĂ©signe le chef de l’entreprise sous‑traitante de rang 1 dont ils dĂ©pendent]. ‑ T’es un peu chef ? Oui. Avant je suis comme eux. Je travaillais, travaillais. ‑ Et depuis quand tu fais ça ? Octobre. ‑ Et ça tu aimes ? Oui Brojan, 29 ans, moniteur, sous‑traitant, Croate. 7MalgrĂ© sa maĂźtrise imparfaite du français, Brojan dispose de petites » responsabilitĂ©s en gĂ©rant l’interface entre travailleurs français et croates. La coopĂ©ration entre ouvriers Ă©trangers et ouvriers nationaux passe aussi par la volontĂ© des ouvriers nationaux d’apprendre quelques mots‑clĂ©s dans diffĂ©rentes langues Si ce n’est que, lĂ , je suis super fier de moi parce que si ça continue on va apprendre le polonais facilement, le russe aussi, le tchĂšque, bientĂŽt le finlandais Thomas, 40 ans, serrurier maison ». 8Si le ton de Thomas est ironique, il m’expliquera pourtant plus tard qu’il a rĂ©ellement appris quelques mots de ces diffĂ©rentes langues depuis qu’il travaille avec des ouvriers Ă©trangers. C’est Ă©galement le cas de Thierry, un ouvrier sous‑traitant Moi j’ai eu un Polonais sur le premier bateau, on a fait les cabines Ă  deux, il a appris avec moi
 ‑ Comment tu fais pour communiquer ? Bah un peu anglais, un peu français. ‑ Ils comprennent un peu ? Ouais ! Et j’ai appris le polonais, enfin des mots quoi. Il m’a appris Ă  dire je ne parle pas polonais » [rires] et des mots quoi ! ‑ Ah ouais ? C’est marrant. [Il bredouille quelques mots de polonais et rit] C’était un bon gars, adorable, un gros Polack et tout ! Thierry, 36 ans, poseur de moquettes, sous‑traitant. 8 . L’appellation un bon gars » fait Ă©cho Ă  ce qu’a montrĂ© Philippe Bataille Ă  propos du racisme ... 9En dĂ©crivant ses interactions avec cet ouvrier polonais, un bon gars8 » qu’il qualifie de gros Polak », Thierry laisse entendre que certaines interpellations se font Ă  partir de qualificatifs liĂ©s Ă  l’appartenance nationale, comme dans le secteur du bĂątiment Ă©tudiĂ© par Nicolas Jounin oĂč la nomination des ouvriers en fonction de l’origine ethnique est courante, parce qu’elle est pratique » 2004, p. 113. 10La coopĂ©ration technique nĂ©cessaire, voire obligatoire, dans le secteur de la construction navale prend donc des formes multiples conseils, coordination directe entre ouvriers ou entraide. Cependant, l’inĂ©galitĂ© de statut s’exprime aussi dans cette coopĂ©ration entre travailleurs ‑ Et avec les Ă©trangers comment vous communiquez pour le boulot ? L’anglais pour ceux qui y arrivent ! Aussi bien pour eux que pour nous ! [rires]. Et les signes, les dessins, voilĂ . Les dessins, les signes. Et puis des fois ils disent oui on a compris » et puis ils ont rien compris, et nous pareil ! [rires] Et puis on s’en aperçoit quand le bloc est rĂ©glĂ© [quand un local a Ă©tĂ© achevĂ©] ! Mais en gĂ©nĂ©ral ça se passe bien. LĂ , les Roumains, ils avaient un interprĂšte. Les Polonais, ils essaient d’avoir un interprĂšte aussi avec eux. Y a que les Lituaniens ou une autre
 je sais plus, un autre pays, ils n’ont pas d’interprĂšte donc c’est pas toujours Ă©vident. Mais en gĂ©nĂ©ral, on exprime par terre les cotes qu’on veut et ils comprennent. Et puis, bon, ils sont plus intĂ©ressĂ©s que nous, ils s’y mettent vite. Nous on ne cherche pas Ă  les comprendre, eux ils sont... Ils s’y mettent vite MichaĂ«l, 33 ans, traceur maison ». 11 Nous on ne cherche pas Ă  les comprendre » MichaĂ«l rappelle ici les diffĂ©rences de statuts entre ouvriers, les sous‑traitants Ă©trangers Ă©tant contraints de rechercher plus activement des stratĂ©gies pour communiquer. Le vol d’outils une entrave Ă  la coopĂ©ration matĂ©rielle ? 12La question du vol d’outils, centrale dans le discours des ouvriers maison », illustre la complexitĂ© des relations de travail entre des ouvriers aux statuts d’emploi diffĂ©rents. Les segments ouvriers s’accusent rĂ©ciproquement de voler des outils les sous‑traitants pour arriver Ă  travailler – du fait de l’insuffisance de l’outillage fourni par les entreprises – ; les ouvriers maison » pour les utiliser dans la sphĂšre privĂ©e. Selon ces derniers, le vol du matĂ©riel reprĂ©sente une difficultĂ© supplĂ©mentaire dans leur travail comme le montre AndrĂ©, serrurier Ă  bord des navires [
] S’il y en a un qui a besoin d’un marteau, des fois on prĂȘte, des fois on prĂȘte pas. Parce que ça dĂ©pend oĂč il doit aller. C’est tout. Parce que le matĂ©riel, des fois ça revient et des fois ça revient pas. Donc tu te mĂ©fies. Par contre les vols, c’est embĂȘtant. ‑ Vous vous ĂȘtes fait voler des outils ? Moi j’ai Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© [en arrĂȘt maladie] et, en l’espace d’un mois, j’ai eu trois fois mon coffre de fracturĂ©. Ça vole dur. C’est pour ça que je te dis que des fois maintenant on a des locaux [une cabine dĂ©diĂ©e pour dĂ©poser le matĂ©riel]. On n’en a pas toujours parce que des fois quand c’est fini la peinture [de la cabine] ils [les chefs] veulent pas qu’on l’abĂźme et tout. Mais si t’en as pas, ton coffre, il traĂźne un peu dans la coursive
 Comme on n’a pas les mĂȘmes horaires, on pourra jamais accuser qui c’est. T’auras beau en voir un passer tous les jours, il touchera pas Ă  ton coffre, et un qui va passer une seule fois, s’il a besoin de quelque chose, il va prendre. Un coffre, c’est quoi, c’est une caisse en bois et un cadenas. Mais Ă  bord t’as un lapidaire, t’as un marteau. Le vol, c’est pĂ©nible. Moi, ce que je comprends pas, c’est qu’on a du matĂ©riel type Chantiers [spĂ©cifique au donneur d’ordres] et on voit beaucoup de boĂźtes Ă©trangĂšres avec le matĂ©riel comme ça. Alors, oĂč ils les ont ? Pourquoi ils font pas un contrĂŽle Ă  bord, comme les lunettes [le port des lunettes est obligatoire], avec ton numĂ©ro de badge, ton nom et tout et la liste du matĂ©riel qu’on doit avoir ? C’est du matĂ©riel qui coĂ»te trĂšs cher. Mais je suis sĂ»r que s’ils fonctionnaient comme ça, on en retrouverait des postes Ă  souder. Nous, aprĂšs, on est obligĂ© des faire des dĂ©clarations de perte. Mais aprĂšs, la personne qui est en haut [la hiĂ©rarchie], elle va commencer Ă  dire ça fait trois‑quatre fois qu’il se fait voler. Et aprĂšs, t’as toujours un doute qui se met. Tu vois ce que je veux dire ? Et pourtant, le mec, il a pas de bol. AprĂšs, ils voulaient faire en sorte qu’on se prĂȘte le matĂ©riel de gars Ă  gars, mais nous on n’est pas d’accord, parce que quand tu prĂȘtes le matĂ©riel Ă  quelqu’un, lui il peut le reprĂȘter Ă  quelqu’un et aprĂšs tu sais plus. Donc le matĂ©riel, c’est pas au top AndrĂ©, 45 ans, serrurier maison ». 9 . Les Ă©quipements d’une partie des ouvriers sous‑traitants sont en effet moins complets que ceux de ... 13D’aprĂšs AndrĂ©, le vol de ses outils est effectuĂ© par des ouvriers d’entreprises extĂ©rieures et, plus prĂ©cisĂ©ment, des boĂźtes Ă©trangĂšres ». L’accusation de vol dĂ©signe donc principalement les ouvriers Ă©trangers. AndrĂ© souligne aussi les consĂ©quences de ces vols sur les carriĂšres des ouvriers » maison » selon lui, en se faisant voler Ă  plusieurs reprises, ils courent le risque d’ĂȘtre stigmatisĂ©s par leur hiĂ©rarchie en Ă©tant soupçonnĂ©s de les avoir volĂ©s eux‑mĂȘmes. Par consĂ©quent, AndrĂ© fait partie des ouvriers qui ne souhaitent plus prĂȘter leurs outils aux ouvriers des entreprises sous‑traitantes et donc s’inscrire dans un cadre de coopĂ©ration matĂ©rielle. Cette attitude vis‑à‑vis des vols est partagĂ©e par plusieurs ouvriers maison ». Ils accusent les sous‑traitants dans leur ensemble d’ĂȘtre Ă  l’origine du vol de matĂ©riel partant du constat que les ouvriers de la sous‑traitance disposent de mauvais Ă©quipements9 ‑ Dans l’atelier il y a des sous‑traitants ? Oui, mais ça se passe mal parce que, quand ils sont lĂ , il y a du matĂ©riel qui disparaĂźt. J’ai travaillĂ© en sous‑traitance, je comprends ça. On nous demande de faire un travail mais on n’a rien pour le faire. Moi ça ne me gĂȘne pas. Si j’ai pas de quoi travailler, tant pis, je me dĂ©brouillerai, on ira moins vite Akim, 30 ans, charpentier fer maison ». 14Akim semble faire avec » le vol d’outils qu’il perçoit comme une compensation des inĂ©galitĂ©s de traitement dont sont victimes les sous‑traitants. En revanche, comme AndrĂ©, il affirme que ce sont bien les sous‑traitants qui sont Ă  l’origine du vol de matĂ©riel. Aucun des deux ne suggĂšre que les ouvriers maison » puissent voler des outils Ă  leur entreprise car le vol en interne, surtout dans sa dimension de chapardage, est imputĂ© en prioritĂ© aux travailleurs les moins qualifiĂ©s et les moins bien rĂ©tribuĂ©s, pour lesquels le moindre revenu complĂ©mentaire peut faire la diffĂ©rence » Bonnet, 2008, p. 342. C’est ce qui explique que les ouvriers sous‑traitants Ă©trangers soient plus fortement soupçonnĂ©s car leur situation professionnelle est plus prĂ©caire que celle de certains ouvriers sous‑traitants français. Ils voleraient afin d’effectuer leur travail dans des conditions plus proches de celles des autres ouvriers. Pourtant, plusieurs discussions avec des ouvriers sous‑traitants Ă©trangers ont montrĂ© que ces derniers s’estiment eux‑mĂȘmes volĂ©s et qu’à leur sens, les vols sont plutĂŽt du fait des ouvriers français. De la mĂȘme maniĂšre, les ouvriers sous‑traitants Ă©trangers ont la conviction que ce sont les ouvriers nationaux qui volent le matĂ©riel Non mais tu crois vraiment que l’ouvrier Ă©tranger il va prendre du matĂ©riel et le prendre dans l’avion pour faire des trucs chez lui ? C’est Ă©vident que c’est les Français qui volent ! Et puis, attends, si nous on se fait piquer, on risque beaucoup plus hein ! Gaspare, 34 ans, ouvrier amĂ©nagement, sous‑traitant, Italien. 15La remarque de cet ouvrier italien sur le vol d’outils montre que le contexte industriel et les conditions d’emploi souvent prĂ©caires des ouvriers Ă©trangers de la sous‑traitance ne favorisent pas le dĂ©tournement de temps de travail ou d’outils Ă  des fins personnelles – la perruque Anteby, 2003 –, alors que les ouvriers maison » sont perçus comme plus familiers de cette pratique. Ainsi, chaque groupe a la certitude que les vols d’outils sont effectuĂ©s par les autres segments ouvriers. Ce soupçon rĂ©ciproque ne semble cependant pas entacher le fort pouvoir symbolique des ouvriers maison » Ă  bord des navires. Une subordination informelle des sous‑traitants aux ouvriers maison » 10 . Il s’agit en effet d’un groupe installĂ© de longue date » Elias & Scotson, 1997 par rapport ... 16Au‑delĂ  de la question du vol, le constat prĂ©cĂ©demment formulĂ© d’une coopĂ©ration technique et d’une relative coopĂ©ration matĂ©rielle entre les ouvriers maison » et les ouvriers sous‑traitants demande Ă  ĂȘtre nuancĂ© du fait du fort pouvoir symbolique des premiers dans le travail. En effet, mĂȘme s’ils coopĂšrent, les ouvriers ne peuvent pas tous faire valoir la mĂȘme position Ă  bord, les ouvriers maison » bĂ©nĂ©ficient d’un certain prestige par rapport aux ouvriers de la sous‑traitance et surtout par rapport aux ouvriers Ă©trangers. Lorsque Christophe Brochier pose la question Sur quoi se fonde le rang ? » dans une usine, il explique que ce sont l’anciennetĂ© et l’expĂ©rience qui permettent Ă  certains ouvriers de bĂ©nĂ©ficier d’une place spĂ©cifique par rapport aux autres ouvriers 2011, p. 15. Aux chantiers navals, ce sont les ouvriers maison » qui disposent du rang le plus favorable. Leur appartenance Ă  l’entreprise donneuse d’ordres semble leur confĂ©rer une position particuliĂšre vis‑à‑vis des ouvriers extĂ©rieurs. Ces travailleurs sont, de plus, fortement attachĂ©s Ă  leur entreprise et Ă  la production qui y est effectuĂ©e. Ils mettent en valeur une sorte de cordon sentimental » Ă  l’entreprise Chantiers proche de celui des ouvrier‑e‑s de Moulinex Roupnel‑Fuentes, 2011, p. 104. Ce sentiment d’appartenance Ă  l’entreprise est redoublĂ© par l’anciennetĂ© de ces ouvriers sur le site. MĂȘme si, individuellement, ils ne sont pas toujours les plus anciens sur le site industriel, ce groupe est plus Ă©tabli »10 que les segments d’ouvriers sous‑traitants nationaux ou Ă©trangers. L’ancrage du groupe des ouvriers maison » permet donc d’expliquer en partie leur pouvoir symbolique sur les autres ouvriers ‑ Ça se passe bien avec les sous‑traitants ? Ça se passe bien parce qu’ils tiennent Ă  garder leur place. Et moi, Chantier [ouvrier maison »], je suis prioritaire. Je m’octroie des
 MĂȘme aujourd’hui, je me suis octroyĂ© des gestes, une position que je n’aurais normalement pas dĂ» prendre. [
] J’ai Ă©tĂ© voir directement le sous‑traitant. Je crois que c’était un Polonais. Avec les mains, je lui ai demandĂ© si c’était son lot [zone du navire oĂč intervient le sous‑traitant], il m’a dit oui. Je lui ai demandĂ© de mettre ça propre. ‑ Et il l’a fait ? Oui, ils ne veulent surtout pas faire mal. Ils veulent pas faire de bruit tout en prĂ©servant leur travail Thomas, 40 ans, serrurier maison ». 17Thomas met en lumiĂšre le pouvoir symbolique des ouvriers maison » sur le site, pouvoir qui repose avant tout sur la position moins favorable des ouvriers sous‑traitants et, en particulier, des ouvriers Ă©trangers, qui souhaitent voir leurs missions renouvelĂ©es. La scĂšne qu’il relate montre qu’il est intervenu directement auprĂšs d’un ouvrier sous‑traitant polonais pour lui demander de nettoyer le local sur lequel il intervenait – alors que les ouvriers de l’entreprise donneuse d’ordres n’ont, officiellement, aucun pouvoir sur les ouvriers extĂ©rieurs. Si ce pouvoir symbolique apparaĂźt limitĂ© Ă  destination des ouvriers sous‑traitants nationaux, vis‑à‑vis des ouvriers Ă©trangers Thomas explique clairement qu’il s’octroie des gestes ». Les ouvriers les plus stables semblent alors se comporter Ă  l’égard de certains travailleurs extĂ©rieurs comme leur employeur Mashkova, 2008. À tel point que les ouvriers Ă©trangers ne savent plus clairement quel est le statut des ouvriers maison » Le gars du Chantier me donne des ordres sur certaines choses. Il me dit regarde, tu vas faire ça ». Il me dit ce que c’est la prioritĂ© par exemple. On a des tableaux Ă  bord avec les prioritĂ©s. [
] Y’a aussi des gars de l’étude qu’on connaĂźt parce qu’ils viennent Ă  bord pour des petits trucs. C’est clair que quand ça fait longtemps qu’on se connaĂźt, y’a plus de concurrence. Par contre, le premier impact c’est pas toujours le mieux. Mais ils peuvent nous aider. Moi j’ai vraiment un bon contact Alberto, 49 ans, ouvrier logistique, sous‑traitant, Italien. 11 . Ce mĂ©canisme est similaire Ă  celui mis en Ă©vidence par Pierre Fournier dans l’industrie nuclĂ©aire ... 18Les ouvriers maison » n’ont aucun droit particulier sur les Ă©trangers du site ; ils exercent pourtant dans les faits une certaine domination sur les travailleurs Ă©trangers. Cet ascendant pris par les ouvriers maison » sur les Ă©trangers peut, en partie, ĂȘtre perçu comme une rĂ©affirmation de l’existence d’un groupe ouvrier relativement fort et stable par rapport aux ouvriers Ă©trangers. Ces petits pouvoirs participent en effet Ă  faire d’eux une fraction haute du monde des ouvriers de la construction navale en fabriquant » l’ouvrier sous‑traitant, et surtout l’étranger, comme un subalterne11. Comme dans la relation installĂ©s‑exclus Ă©tudiĂ©e par Norbert Elias et John L. Scotson, il existe une lutte pour le pouvoir entre ces deux fractions. Or, dans cette lutte pour le pouvoir, le dĂ©nigrement social par les puissants a gĂ©nĂ©ralement pour effet d’inculquer au groupe moins puissant une image dĂ©valorisĂ©e, et ainsi de l’affaiblir et le dĂ©sarmer » Elias & Scotson, 1997, p. 36. Dans l’exercice mĂȘme du travail, on aperçoit les tensions entre segments ouvriers et la maniĂšre dont les ouvriers maison » veillent Ă  conserver une position d’ aristocratie ouvriĂšre ». Conflits et dĂ©valorisations rĂ©ciproques entre ouvriers sous‑ traitants et ouvriers maison » 12 . Ces formes de dĂ©valorisation s’observent dans d’autres lieux du monde du travail. Par exemple, Br ... 19La sous‑traitance aux chantiers navals donne lieu Ă  des conflits qui contribuent Ă  dĂ©valoriser les ouvriers maison ». Si ces derniers conservent certains privilĂšges dans le travail et exercent une domination sur les ouvriers de la sous‑traitance, en particulier sur les ouvriers Ă©trangers, l’observation du regard croisĂ© qui s’opĂšre entre sous‑traitants et maison » montre que ces derniers sont aussi stigmatisĂ©s par les ouvriers de la sous‑traitance comme on l’a vu avec le vol d’outils. S’exerce alors une dĂ©valorisation rĂ©ciproque entre les segments ouvriers en prĂ©sence, autour de l’usage du temps de travail et de la dĂ©pense physique des travailleurs12. Ce mĂ©pris croisĂ© » Beaud & Pialoux, 2004 est rendu possible par les dynamiques de mise en concurrence dans le travail entre les diffĂ©rents segments ouvriers en prĂ©sence. La mise en concurrence des segments ouvriers dans le travail des sous‑traitants flexibles », rapides » et dociles » 20Dans le travail, ouvriers maison » et ouvriers sous‑traitants sont mis en concurrence Ă  partir de critĂšres d’engagement temporel et physique. Le rapport au temps dans le travail est ainsi Ă  l’origine de conflits entre ouvriers. En effet, le temps des ouvriers maison » diffĂšre de celui des sous‑traitants nationaux, qui se diffĂ©rencie lui‑mĂȘme du temps des ouvriers sous‑traitants Ă©trangers. L’entreprise utilise d’ailleurs ce ressort pour mettre en concurrence les ouvriers. PremiĂšrement, les ouvriers ne sont pas tenus Ă  la mĂȘme flexibilitĂ© dans les horaires de travail ; les jours travaillĂ©s et le temps passĂ© au travail ne sont pas les mĂȘmes pour les ouvriers sous‑traitants et pour les ouvriers maison », ni pour les ouvriers nationaux et les ouvriers Ă©trangers. Tandis que les ouvriers nationaux travaillent trente‑cinq heures par semaine, les ouvriers Ă©trangers peuvent allonger leurs horaires de travail. Cette flexibilitĂ© horaire est d’ailleurs un des arguments permettant Ă  l’entreprise donneuse d’ordres de justifier le recours Ă  la main‑d’Ɠuvre Ă©trangĂšre. La flexibilitĂ© des ouvriers extĂ©rieurs », et particuliĂšrement des ouvriers Ă©trangers, est valorisĂ©e. Les ouvriers Ă©trangers travaillent les week‑ends et tard le soir, parfois jusqu’à 22 heures ou 23 heures. Cet allongement des horaires de travail des ouvriers Ă©trangers est rĂ©guliĂšrement pointĂ© du doigt par les ouvriers nationaux, que ce soit pour dĂ©noncer l’ exploitation » des Ă©trangers par l’entreprise ou pour critiquer les ouvriers Ă©trangers eux‑mĂȘmes qui, parce qu’ils sont plus flexibles, apparaissent comme des concurrents imbattables. On aperçoit dĂšs lors l’ambivalence des relations interethniques aux chantiers navals car les critiques Ă  l’égard des ouvriers Ă©trangers rĂ©sonnent aussi comme des critiques Ă  l’égard de l’organisation. DeuxiĂšmement, la mise en concurrence des ouvriers s’objective dans le temps au travail, c’est‑à‑dire dans l’usage que les ouvriers font du temps dans le travail Lallement, 2003. C’est principalement par ce ressort que l’entreprise donneuse d’ordres met en concurrence les ouvriers maison » et les sous‑traitants. La direction de l’entreprise estime en effet que les ouvriers sous‑traitants travaillent plus vite que les ouvriers maison ». Cette reprĂ©sentation des sous‑traitants, qui seraient plus rapides et plus efficaces, est lĂ  encore particuliĂšrement forte lorsqu’il s’agit des ouvriers Ă©trangers. Ces derniers sont, de plus, reconnus pour leurs qualitĂ©s morales les entreprises leur attribuent une plus grande obĂ©issance, une disponibilitĂ© certaine et une capacitĂ© Ă  ne pas se plaindre », Ă  travailler dur » Jounin, 2008. Cette rĂ©sistance dans le travail fait d’eux une main‑d’Ɠuvre docile », idĂ©ale pour l’entreprise. Comme l’exprime Christophe, cadre dans une entreprise sous‑traitante qui recrute des ouvriers polonais par des missions d’intĂ©rim, les ouvriers Ă©trangers sont rapides, disciplinĂ©s et ne prennent pas de pauses Et puis, il y a une discipline qui est incomparable. Moi j’étais mĂȘme impressionnĂ©. La premiĂšre fois qu’ils sont venus... DĂ©jĂ , c’est vrai qu’on a tendance Ă  faire des pauses cafĂ© ou des trucs comme ça. Eux, ils commencent Ă  7h 30, Ă  7h 30, ils sont au travail. Ils finissent Ă  11h 30, Ă  11h 30, ils rangent leurs affaires. Ils s’arrĂȘtent pas Ă  11h ! Et l’aprĂšs‑midi, c’est pareil. [...] Et ils s’arrĂȘtent pas, ils travaillent tout le temps. Ils font pas de pauses
 Ils vont aux toilettes comme tout le monde, mais ils font pas de pauses. Moi, j’arrive d’un gros groupe français. Bah, les gars, ils perdent environ deux heures par jour. Arriver en retard, partir en avance, faire deux pauses cafĂ© dans la matinĂ©e, deux pauses cafĂ© l’aprĂšs‑midi
 [
] C’est incomparable. [
] Chez eux, ça se fait pas. C’est vraiment impressionnant. Je les ai contrĂŽlĂ©s plusieurs fois le matin en arrivant, j’ai jamais rien eu Ă  dire. Et puis
 mĂȘme le travail, ils lĂ©sinent pas. Si les conditions sont pas bonnes, ils rechignent pas. C’est Ă  faire ? Ils font. S’il y a une erreur qui est faite, ils rĂ©parent tout de suite. Ils disent pas c’est la faute du petit copain » ou c’est pas moi ». C’est pas du tout les mĂȘmes mentalitĂ©s que nous. Donc ils s’y retrouvent en production, la boĂźte. [
] C’est vraiment interne aux pays de l’Est. J’ai travaillĂ© avec des Italiens, c’est pas du tout comme ça. C’est trĂšs dur de travailler avec eux. Ils nous promĂšnent sans arrĂȘt. Alors que eux [les Polonais], s’ils disent que la modif. est faite, vous allez contrĂŽler, elle est faite Christophe, 32 ans, cadre sous‑traitant. 13 . On retrouve ici ce qu’a mis en Ă©vidence SĂ©bastien Chauvin Ă  propos de l’honnĂȘtetĂ© travailleuse ... 21Aux yeux des entreprises qui recrutent des ouvriers d’Europe de l’Est, il existerait des qualitĂ©s naturellement polonaises » – comme la docilitĂ© » – tandis que, Ă  l’inverse, les ouvriers italiens seraient naturellement » peu fiables13. On observe donc aux chantiers navals une naturalisation des qualitĂ©s des ouvriers selon la nationalitĂ©, mise en Ă©vidence dans d’autres lieux du monde du travail Pitti, 2005 ; Jounin, 2008 ; Chauvin, 2010. Cette discipline associĂ©e aux ouvriers d’Europe de l’Est est en rĂ©alitĂ© largement dĂ©pendante des pressions qu’ils subissent pour voir leurs contrats renouvelĂ©s Lefebvre, 2005. 22En justifiant le recours massif Ă  la sous‑traitance par la flexibilitĂ©, la rapiditĂ© d’exĂ©cution et la discipline » des ouvriers extĂ©rieurs, l’entreprise façonne une certaine hiĂ©rarchie ouvriĂšre qui remet en cause le sentiment d’appartenance Ă  une aristocratie ouvriĂšre pour les ouvriers maison » au sommet de cette hiĂ©rarchie, les ouvriers sous‑traitants Ă©trangers par leur usage du temps de travail eux‑mĂȘmes hiĂ©rarchisĂ©s selon des spĂ©cificitĂ©s nationales, au centre, les ouvriers sous‑traitants français et, en bas, les ouvriers maison » dont l’engagement dans le travail est mis en doute. Cette hiĂ©rarchie n’est pas sans incidences sur les relations de travail entre les ouvriers statutaires et les sous‑traitants. Une telle hiĂ©rarchie rappelle Ă©galement que les ouvriers sous‑traitants ne forment pas un groupe homogĂšne et permet de distinguer la situation des sous‑traitants Ă©trangers de celle des nationaux. Elle souligne enfin la diversitĂ© des situations au sein‑mĂȘme du groupe des ouvriers Ă©trangers, Ă  travers une distinction entre la figure de l’ouvrier polonais et celle de l’ouvrier italien. Un massacre ! » le dĂ©ni de reconnaissance du travail des sous‑traitants par les ouvriers maison » 23Cette forme de renversement de la hiĂ©rarchie ouvriĂšre, intĂ©riorisĂ©e par les travailleurs eux‑mĂȘmes, implique des rĂ©actions de la part des ouvriers maison ». Ils critiquent en effet la vitesse d’exĂ©cution des sous‑traitants. Ces critiques sont d’autant plus vives lorsqu’il s’agit des ouvriers Ă©trangers. 14 . Comme l’a montrĂ© SĂ©verin Muller dans l’industrie agroalimentaire Muller, 2008. 24Le contrĂŽle du rythme de travail par les ouvriers eux‑mĂȘmes est l’un des aspects essentiels rĂ©gissant les relations entre les sous‑groupes ouvriers. Aux chantiers navals, ce sont les ouvriers Ă©tablis » qui posent les rĂšgles de ce contrĂŽle14. En consĂ©quence, les sous‑traitants sont Ă©valuĂ©s par les ouvriers maison » au vu de leur investissement dans le travail, en termes de rythme de travail et d’engagement physique. Or une vitesse d’exĂ©cution des tĂąches trop rapide peut ĂȘtre stigmatisĂ©e par les ouvriers car il existe un contrĂŽle du temps et du degrĂ© d’effort vis‑à‑vis des consignes hiĂ©rarchiques » Brochier, 2006, p. 535. Cependant, la plupart des ouvriers de la sous‑traitance ne peut se plier aux rĂšgles du groupe. Bien qu’une frange des ouvriers sous‑traitants bĂ©nĂ©ficie d’un emploi stable, une partie d’entre eux est contrainte de s’engager fortement dans le travail afin d’obtenir le renouvellement de leur mission d’intĂ©rim ou de leur CDD. Dans ce cas, la sous‑traitance peut donner lieu Ă  des relations entre permanents » et temporaires », similaires Ă  celles dĂ©crites par StĂ©phane Beaud et Michel Pialoux Beaud & Pialoux, 1993 ou par Christian Papinot selon qui la crainte de non‑reconduction de mission gĂ©nĂšre un surinvestissement au travail qui crĂ©e les conditions d’une intensification productive gĂ©nĂ©ralisĂ©e et engendre de fait la mise en concurrence avec les permanents et l’hostilitĂ© de ceux‑ci » Papinot, 2009, p. 496. Cette hostilitĂ© est relatĂ©e par Vladi, un ouvrier russe, Ă  qui les ouvriers français reprochent de travailler trop vite Les gars, ils me disent Attends, t’es pas au Goulag ici ! » J’ai dit Je m’en fous, je veux travailler plus » ; Mais attends, t’es pas au Goulag, tu veux bosser, c’est pas mieux payĂ© quand tu bosses » , ils m’ont dit. [
] Des fois, les gars, ils voient pas qu’ils sont bien payĂ©s. Moi, j’aime travailler. Pour moi, le temps passe plus vite quand on travaille Vladi, 50 ans, tuyauteur‑machines, sous‑traitant, Russe. 25La rĂ©fĂ©rence au Goulag montre comment les stĂ©rĂ©otypes ethniques et culturels sont repris par les ouvriers maison » pour stigmatiser le travail des ouvriers Ă©trangers Jounin, 2004. Ces critiques concernant la vitesse d’exĂ©cution des ouvriers Ă©trangers glissent Ă©galement vers des remarques concernant la qualitĂ© du travail effectuĂ© par des propos tels que si le travail est mal fait
. ». En effet, du point de vue des ouvriers maison », le travail serait certes effectuĂ© dans des dĂ©lais trĂšs courts mais il serait de mauvaise qualitĂ© Ces boĂźtes‑lĂ , elles prennent des intĂ©rimaires mais elles prennent des Polonais. Il y a des Polonais aussi qui travaillent aux Chantiers de l’Atlantique [ancien nom de l’entreprise donneuse d’ordres]. À bord, mais pas dans l’atelier. Mais je peux vous assurer madame que le boulot, ou bien des Italiens qui sont lĂ , on est obligĂ© de repasser derriĂšre et de tout refaire. Tout refaire ! C’est un massacre ! Je veux pas dire
 Mais une grande partie de ce qu’ils ont fait, de ce qu’ils font, c’est Ă  refaire. Bah oui ! C’est bĂȘte quand mĂȘme. On a quand mĂȘme une qualitĂ© par rapport Ă  eux
 On n’a pas le mĂȘme savoir‑faire. Par rapport Ă  eux, c’est dĂ©jĂ  plus sophistiqué  Surtout Ă  bord, des fois, les Italiens et les Polonais, ce qu’ils font
 Enfin, la plupart, je dis pas tous, non. Mais
 c’est Ă  refaire. ‑ ça fait rĂąler les autres je suppose ? 15 . Salif est en rĂ©gie », c’est‑à‑dire qu’il fait partie des rares intĂ©rimaires directement recru ... Bah voilĂ . Parce que ça nous fait du temps de perdu. Et lĂ  on passe son temps. Si nous, on nous dit que c’est telle heure tel jour il faut que ça soit fait, et si nous, on repasse derriĂšre, on perd du temps et puis l’entreprise elle perd de l’argent. Donc on perd du temps, on perd de l’argent Salif, 58 ans, soudeur, intĂ©rimaire en rĂ©gie15 ». 26Les propos de Salif montrent que, aux yeux des ouvriers maison », la vitesse d’exĂ©cution des ouvriers sous‑traitants sacrifie la qualitĂ© du travail, travail qui leur procure une grande fiertĂ©, autant par les savoir‑faire techniques nĂ©cessaires que par les produits finis construits aux chantiers navals des paquebots de luxe principalement. La flexibilitĂ© de la sous‑traitance, et surtout de la sous‑traitance Ă©trangĂšre, semble entrer en contradiction avec l’attachement des ouvriers maison Ă  leur entreprise et Ă  la production qui y est effectuĂ©e. 27Le rapport au temps des ouvriers sous‑traitants, et plus encore des Ă©trangers, se pose donc en contradiction avec celui des ouvriers du donneur d’ordres Ă  plusieurs Ă©gards. D’abord, la vitesse d’exĂ©cution dans le travail de ces segments d’ouvriers s’oppose au contrĂŽle du rythme de travail effectuĂ© par les ouvriers maison ». Ensuite, la rapiditĂ© des sous‑traitants semble ternir l’image que les ouvriers maison » se font de leur propre production. Pour ces raisons, les ouvriers sous‑traitants sont largement dĂ©valorisĂ©s par les ouvriers maison » dans le travail. Cette dĂ©valorisation, d’autant plus vive Ă  destination des ouvriers Ă©trangers, donne dĂšs lors des indices des formes de xĂ©nophobie aux chantiers navals. Des feignants ! » les ouvriers maison » mis en accusation 28Le mĂ©canisme de dĂ©valorisation Ă  l’Ɠuvre entre ouvriers maison » et ouvriers extĂ©rieurs est rĂ©ciproque les ouvriers sous‑traitants dĂ©nigrent eux aussi les ouvriers maison ». Cette dĂ©valorisation prend des formes multiples. Elle concerne Ă  son tour le rythme de travail des ouvriers maison » car ils sont accusĂ©s de travailler trop lentement. Elle concerne Ă©galement les tolĂ©rances du donneur d’ordres envers eux Ă  propos des rĂšgles de sĂ©curitĂ©. Elle touche enfin au rapport Ă  l’emploi des ouvriers maison » la reprĂ©sentation qu’ont les ouvriers Ă©trangers du chĂŽmage en France contribue Ă  associer les ouvriers français Ă  des fainĂ©ants ». 29Nous avons vu que les ouvriers maison » dĂ©valorisent le travail des ouvriers extĂ©rieurs en parlant de travail mal fait
 ». Cette accusation est rĂ©ciproque les mĂȘmes remarques se retrouvent dans le discours des ouvriers de la sous‑traitance, français et Ă©trangers. Les ouvriers sous‑traitants dĂ©valorisent le travail des ouvriers maison » Ă  travers la question du temps dans le travail, car ils estiment que leur rythme de travail est insuffisant. Par exemple, Jean, ouvrier en CDI dans une entreprise sous‑traitante, se moque des salariĂ©s maison » [
] Parce qu’ils ont un rendement qui est pas forcĂ©ment
 obligatoire quoi. Ils ont pas beaucoup d’alĂ©as. Sans dire
 Les gars, ils bossent mais bon
 s’ils sont deux heures Ă  rien foutre dans la journĂ©e, c’est pas grave. Nous, s’ils sont deux heures Ă  rien foutre dans la boĂźte, c’est pas bien. Eux, c’est pas grave parce que, bon
 tout le monde fait ça, alors [rires] ! Ça reste dans leur politique. À partir du moment oĂč leur travail est fait ! Eux, ils ont une tĂąche dans la journĂ©e, et puis, ils la font, et aprĂšs ils sont tranquilles. Nous, on va faire notre tĂąche, et aprĂšs, il y en aura d’autres, etc. ‑ Ils ont une rĂ©putation d’ĂȘtre un peu glandeurs », non ? Ah bah il y en a beaucoup oui ! Et puis, il y a pas que des clichĂ©s. Moi, je peux te dire, y en a beaucoup qui 
 Il y en a qui font leur boulot bien, hein ! Ils vont peut‑ĂȘtre moins vite, ils travaillent toute la journĂ©e. T’en as peut‑ĂȘtre d’autres qui travaillent plus vite et, aprĂšs, bah ça leur donne le temps de
 de se promener. Tant mieux pour eux, hein ! [
] C’est leur politique quoi, c’est tout. C’est doucement le matin et pas trop vite l’aprĂšs‑midi ! [rires] Jean, 37 ans, tuyauteur‑soudeur, sous‑traitant. 30 Doucement le matin et pas trop vite l’aprĂšs‑midi ! » l’image qu’utilise cet ouvrier sous‑traitant pour dĂ©crire le travail des ouvriers maison » montre bien comment ces derniers sont raillĂ©s par les ouvriers extĂ©rieurs au vu de leur investissement, jugĂ© insuffisant, dans le travail. Ce rythme de travail serait permis par l’organisation interne dans l’entreprise gĂ©nĂ©rale. De ce fait, l’appartenance Ă  l’entreprise donneuse d’ordres est perçue comme un privilĂšge par les sous‑traitants, privilĂšge qui permettrait aux ouvriers maison » de s’engager moins fortement dans le travail. Des feignants », en balade », en promenade », des tire‑au‑flanc » tels sont les termes utilisĂ©s pour qualifier les ouvriers maison » qui sont Ă©galement assimilĂ©s Ă  des fonctionnaires ». Ces remarques sont d’autant plus stigmatisantes aux yeux des ouvriers maison » que ce sont ces mĂȘmes termes qu’ils utilisent eux‑mĂȘmes lorsqu’ils critiquent leurs propres chefs, soupçonnĂ©s d’ĂȘtre les mains dans les poches ». En rĂ©sumĂ©, ils sont accusĂ©s de fainĂ©antise par les autres segments ouvriers alors qu’il s’agit d’une attitude stigmatisĂ©e au sein du monde ouvrier Schwartz, 1990 ; Weber, 1989. Cette accusation est redoublĂ©e par la question des pauses dans le travail. Les ouvriers Ă©trangers se montrent trĂšs critiques envers les ouvriers maison » Ă  ce sujet Ils savent qu’ils ont trente‑cinq heures Ă  faire. Et, toutes les dix minutes, ils font une pause Bonjour par‑ci, bonjour par‑lĂ , un cafĂ©, tiens on va fumer une clope ? » Et la journĂ©e se termine comme ça Marcello, 36 ans, moniteur amĂ©nagement, sous‑traitant, Italien. 31D’aprĂšs tous les ouvriers sous‑traitants Ă©trangers rencontrĂ©s, les ouvriers maison » prennent des pauses trop longues, trop rĂ©guliĂšres, et leur cadence est insuffisante. Les pauses fonctionnent ici comme un rĂ©vĂ©lateur des souplesses temporelles qui leur sont attribuĂ©es tandis que les ouvriers sous‑traitants en CDD ou en intĂ©rim sont contraints d’accepter des pauses souvent plus courtes et plus rares afin d’obtenir de nouvelles missions Jounin, 2008 ; Chauvin, 2010. Et, pour ces travailleurs, les pauses clandestines [elles] sont Ă  haut risque » Pruvost, 2011, p. 175. L’hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© des statuts vient donc aussi diffĂ©rencier le rapport au hors‑travail dans le travail Pruvost, 2011. En consĂ©quence, mĂȘme s’ils la nuancent, les ouvriers maison » n’hĂ©sitent pas Ă  se rĂ©fĂ©rer Ă  cette dĂ©valorisation, en reprenant la reprĂ©sentation de la hiĂ©rarchie ouvriĂšre prĂ©sentĂ©e plus haut ‑ Et comment sont les rapports entre vous ? Le fait de pas ĂȘtre dans la mĂȘme boĂźte, est‑ce que ça crĂ©e des jalousies ? Non. Des fois ça chambre un peu. ‑ Genre ? Genre
 Du style
 l’autre jour on en parlait avec un gars, et il dit » Moi je suis rentrĂ© aux Chantiers pour que ce soit les gars d’autres boĂźtes qui fassent mon boulot ! » [rires] Et puis le gars de la boĂźte il dit Nous on est rentrĂ©s dans cette boĂźte pour que ce soient les Ă©trangers qui fassent notre boulot ! On est encore moins cons que vous ! » Non, en gĂ©nĂ©ral ça se passe bien. ‑ C’est plutĂŽt de la vanne
 Oui. On est tous pour faire la mĂȘme chose. C’est vrai qu’un moment, Ă  une Ă©poque il y avait la rĂ©putation les gars Chantiers ils font rien, c’est les autres qui font tout ». Ça a peut‑ĂȘtre Ă©tĂ© vrai mais, depuis que je suis embauchĂ©, y’a eu des remaniements de faits, y’a eu
 Y’avait certainement de l’abus aux Chantiers mais tu vois beaucoup moins de gens Ă  rien faire, à
 MichaĂ«l, 33 ans, traceur maison ». 32Par les conditions d’emploi et de travail associĂ©es Ă  chacun de ces segments ouvriers, les ouvriers maison » semblent avoir plus de latitude pour gĂ©rer leur rythme de travail. Par consĂ©quent, les sous‑traitants expriment, Ă  destination des ouvriers embauchĂ©s, un mĂ©lange de jalousie et d’aversion » Jounin, 2008. 33Le processus de dĂ©valorisation du travail des ouvriers maison » par les sous‑traitants s’exprime aussi au sujet de la sĂ©curitĂ© au travail. Les ouvriers maison » sont critiquĂ©s car ils sont moins sanctionnĂ©s sur les questions de sĂ©curitĂ© au travail. En effet, en cas d’absence des Ă©quipements de sĂ©curitĂ©, tous les ouvriers du site industriel peuvent ĂȘtre sanctionnĂ©s par la hiĂ©rarchie d’un carton jaune », sorte d’avertissement qui a des incidences sur les carriĂšres des ouvriers en termes de promotion ou d’avancement et sur les profits des entreprises sous‑traitantes qui doivent payer une amende quand un ouvrier est sanctionnĂ©. Or il existe des tolĂ©rances pour les ouvriers maison », moins sanctionnĂ©s par les cartons jaunes que les autres segments de travailleurs. Étant salariĂ©s de l’entreprise donneuse d’ordres, ils forment, aux yeux du personnel d’encadrement, un groupe ouvrier constituĂ© de leurs gars » et sont relativement Ă©pargnĂ©s dans l’application des cartons jaunes 16 . La barrette » est le nom donnĂ© au personnel de l’encadrement de l’entreprise donneuse d’ordre ... Y’a des superviseurs, tout ça, qui viennent chaque jour. Ah oui, ils surveillent, ouh la la ! Y’a des barrettes partout16 ! Plein de barrettes ! ‑ Ils surveillent parce que vous ĂȘtes de l’extĂ©rieur [c’est‑à‑dire sous‑traitant] ? Ils s’occupent aussi du Chantier mais ils sont plus exigeants avec les sous‑traitants qu’avec les gars qui travaillent aux Chantiers. Ça, c’est sĂ»r, oui. C’est comme ça. [
] Des fois, le gars du Chantier
 entre ça et ça, il a des limites un petit peu moins ou un petit peu plus. Un gars du Chantier peut aller un peu Ă  droite, un peu Ă  gauche, ça va. Quand t’es sous‑traitant, non, non ! Ça va pas aller
 C’est comme ça ! Vladi, 50 ans, tuyauteur machines, sous‑traitant, Russe. 17 . Cette attitude s’observe aussi sur les chantiers du bĂątiment Jounin, 2008. 34Ces diffĂ©rences de traitement relevĂ©es par les sous‑traitants renforcent les processus de segmentation du monde ouvrier aux chantiers navals. Elles viennent Ă©galement renforcer le pouvoir symbolique des ouvriers maison » qui, sur la question de la sĂ©curitĂ© au travail, adoptent une position proche de la direction de l’entreprise ils ont tendance Ă  stigmatiser les comportements dangereux des sous‑traitants et n’hĂ©sitent pas Ă  critiquer vivement ceux qui font les zouaves » pour reprendre l’expression d’un ouvrier. En critiquant ainsi l’irresponsabilitĂ© des sous‑traitants17, ils mettent en valeur leur propre rapport au travail. La question de la sĂ©curitĂ© au travail et les tolĂ©rances vis‑à‑vis des cartons jaunes » mettent en exergue les privilĂšges » des ouvriers maison » qui forment ainsi une strate protĂ©gĂ©e parmi les ouvriers de la construction navale. 35Ces critiques Ă  destination des ouvriers maison » – concernant le temps au travail et les tolĂ©rances sur la sĂ©curitĂ© – sont Ă©mises par l’ensemble des ouvriers de la sous‑traitance, qu’ils soient nationaux ou Ă©trangers. En revanche, les ouvriers Ă©trangers formulent une critique particuliĂšre Ă  l’égard des ouvriers nationaux sous‑traitants et maison » Ă  travers leur reprĂ©sentation du chĂŽmage en France. Cette reprĂ©sentation nĂ©gative du rapport Ă  l’emploi des ouvriers nationaux redouble le processus de dĂ©valorisation des ouvriers maison ». En effet, les ouvriers Ă©trangers stigmatisent vivement les chĂŽmeurs français qui, selon eux, choisiraient leur condition En France, t’es chĂŽmeur parce que t’as vraiment envie de l’ĂȘtre. Parce qu’ici y’a du boulot. Y’a du boulot dans le bĂątiment. Ici, sur les navires, y’a du boulot Gaspare, 34 ans, ouvrier amĂ©nagement intĂ©rimaire, sous‑traitant, Italien. 36Ce type de discours sur le chĂŽmage en France est rĂ©current dans les entretiens avec des ouvriers Ă©trangers. Le regard que les ouvriers Ă©trangers posent sur le chĂŽmage en France dĂ©pend de leur propre rapport Ă  l’emploi et au travail les ouvriers Ă©trangers aux chantiers navals cumulent des contrats courts et sont soumis Ă  des rythmes de travail intenses tandis que les ouvriers nationaux ont des conditions plus favorables. Dans quelle mesure cette reprĂ©sentation du chĂŽmage en France dĂ©stabilise‑t‑elle les ouvriers maison » ? En leur associant chĂŽmage et fainĂ©antise, les ouvriers Ă©trangers dĂ©gradent la reprĂ©sentation que se font les ouvriers de leur emploi et de leur travail. Ces derniers sont en effet associĂ©s Ă  des tire‑au‑flanc », ainsi qu’à des privilĂ©giĂ©s » dans l’entreprise. Cette double reprĂ©sentation nĂ©gative participe au sentiment de disqualification de ces ouvriers stables. La menace » de la sous‑traitance et la tentation xĂ©nophobe 37Les relations de travail entre les ouvriers maison » et les ouvriers sous‑traitants n’ont pas seulement des effets sur le rapport au travail des ouvriers, elles influent Ă©galement sur leur rapport Ă  l’emploi, participant au processus de dĂ©stabilisation des stables » Castel, 1995. Ce sentiment s’exprime chez les ouvriers maison » par leur crainte de voir le noyau stable » disparaĂźtre sous le poids de la sous‑traitance et par le ressentiment qu’ils expriment Ă  l’égard des ouvriers Ă©trangers. C’est la sous‑traitance qui fait la loi Ă  bord du bateau ! » 38Le recours massif Ă  la sous‑traitance dans la construction navale transforme le rapport Ă  l’emploi des ouvriers maison » qui s’estiment menacĂ©s » par la prĂ©sence des ouvriers extĂ©rieurs LĂ , vous avez plus la loi. C’est la sous‑traitance qui fait la loi Ă  bord du bateau. Ça fait bizarre d’ailleurs. Avoir connu le Chantier avec Ă©normĂ©ment de gens, le Chantier avait toujours travaillĂ© avec des sous‑traitants, il y a toujours eu des sous‑traitants mais pas dans des proportions comme c’est rendu actuellement, c’est fou SĂ©bastien, 45 ans, soudeur maison ». 39La sous‑traitance est critiquĂ©e Ă  cause de l’ampleur qu’elle a prise sur le site ; elle est perçue par les ouvriers de l’entreprise donneuse d’ordres comme un cancer » Pernot, 2008, qui remet en cause leur emploi ou, tout du moins, qui le dĂ©stabilise. Les ouvriers maison » disposent d’un statut d’emploi favorable, marquĂ© par la stabilitĂ© et la pĂ©rennitĂ©, mais ils estiment que les ouvriers sous‑traitants empiĂštent sur leurs activitĂ©s et que le recours Ă  la sous‑traitance va conduire progressivement Ă  la disparition du noyau stable » aux chantiers navals. Ce sentiment d’incertitude du lendemain, partagĂ© par une partie des ouvriers, est directement liĂ© Ă  la prĂ©sence des ouvriers sous‑traitants sur leur site. Ils estiment que ce sont les transformations des modes de gestion de la main‑d’Ɠuvre, et donc le recours massif Ă  la sous‑traitance, qui contribuent au grignotage de leur statut » Linhart & Maruani, 1982. Ils suggĂšrent leur peur d’ĂȘtre exclus du statut favorable et privilĂ©giĂ© » liĂ© Ă  leur appartenance Ă  l’entreprise donneuse d’ordres Lorsque je vois le Chantier ĂȘtre comme il est actuellement
 C’est sous‑traitĂ© Ă©normĂ©ment, excessivement je dirais mĂȘme. Il y a pourtant du savoir‑faire dans le bassin nazairien. ‑ Vous trouvez que c’est trop sous‑traitĂ© ? ComplĂštement. [
] Moi, quand j’ai commencĂ©, on faisait un navire par an. C’est pas un grand navire mais il y avait pas mal de monde Ă  travailler aux Chantiers. Je n’ai pas les chiffres ni rien. Je suis pas PDG, ni quoi que ce soit ! Maintenant, il y a des annĂ©es oĂč on a sorti entre quatre et cinq navires par an. ‑ C’est pour ça qu’ils sous‑traitent beaucoup ? Il y a de la sous‑traitance Ă  outrance. Mais le fait de sous‑traiter, en revenant un peu Ă  nos qualifications, on les perd. Pourquoi ? Parce que du jour au lendemain, pas mal de personnes changent de poste. Dans le travail mais sans forcĂ©ment profiter du bĂ©nĂ©fice du changement de poste. C’est‑à‑dire changer d’échelon ou de catĂ©gorie Thomas, 40 ans, serrurier maison ». 40Cette forme d’incertitude caractĂ©rise plus spĂ©cifiquement les ouvriers maison » aux trajectoires professionnelles morcelĂ©es. Thomas s’est insĂ©rĂ© tardivement dans l’emploi stable aprĂšs avoir fait l’expĂ©rience de plusieurs Ă©checs pour intĂ©grer l’entreprise gĂ©nĂ©rale. Il exprime ici le sentiment de dĂ©stabilisation des ouvriers maison » et souligne aussi les transformations du travail que la sous‑traitance implique. Selon lui, la polyvalence exigĂ©e des ouvriers vis‑à‑vis des postes de travail a des effets pervers sur les qualifications ouvriĂšres. Jean‑Marie Pernot a d’ailleurs montrĂ© que le sentiment de dĂ©qualification est vif pour une partie des ouvriers de l’entreprise, mutĂ©s Ă  d’autres postes parce que certains secteurs sont entiĂšrement sous‑traitĂ©s. Il cite un ouvrier syndiquĂ© CGT qui exprime sa nostalgie du mĂ©tier » On a tous Ă©tĂ© mutĂ©s dans un autre secteur du chantier, on a dĂ» changer de mĂ©tier, il y a pas mal d’amertume. MĂȘme avec des conditions de travail difficiles, les salariĂ©s sont fiers, ils ont une certaine fiertĂ© de leur mĂ©tier » Pernot, 2008. 18 . Ce sentiment pourrait ĂȘtre comparĂ© Ă  ce que vivent les reclus Ă©tudiĂ©s par Erving Goffman peur ... 41Les ouvriers maison » aux chantiers navals paraissent donc inquiets du dĂ©veloppement de la sous‑traitance parce que les activitĂ©s sous‑traitĂ©es empiĂštent sur celles des salariĂ©s du donneur d’ordres mais aussi car la sous‑traitance implique polyvalence et diversification du travail ouvrier. La sous‑traitance est ainsi perçue comme minant leurs privilĂšges » en empiĂ©tant sur leurs activitĂ©s18. De la contestation du management au racisme comme expressions de rĂ©sistance de la part des ouvriers maison » ? 42Cette expression d’incertitude de la part des ouvriers maison » est encore plus vive lorsqu’il s’agit de la sous‑traitance Ă©trangĂšre. Les ouvriers estiment qu’il existe une contradiction entre le recours Ă  la main‑d’Ɠuvre Ă©trangĂšre et la lutte contre le chĂŽmage en France. Le sentiment que les Ă©trangers volent » des emplois aux ouvriers nationaux est fort chez une partie des ouvriers Là‑dessus, quelque part, c’est peut‑ĂȘtre malheureux de penser comme ça, mais justement, quand on a des enfants, quand on voit le taux de chĂŽmage qu’on a en France qui est Ă©levĂ©, et on fait venir de la main‑d’Ɠuvre Ă©trangĂšre
 Quelque part, on n’arrive pas forcĂ©ment Ă  comprendre non plus comment ça se fait. On sait bien pourquoi c’est pour le moindre coĂ»t [rires] ! Mais lĂ , je trouve pas ça normal qu’actuellement on puisse faire des trucs pareils. Quand, en France, le taux de chĂŽmage il est Ă  10 %, j’estime que c’est pas normal de faire venir des Ă©trangers. MalgrĂ© qu’ils ont le droit de casser la croĂ»te, c’est pas le truc, mais il faudrait un taux de chĂŽmage presque nul pour qu’on puisse faire pareil avec tout le monde. Parce que
 Dans les chĂŽmeurs, il y en a peut‑ĂȘtre qui ne veulent pas travailler, mais je pense pas tout le monde quand mĂȘme. Tout le monde a besoin de travailler et là‑dessus, je ne suis pas d’accord du tout. ‑ C’est Ă©galement l’avis de certains collĂšgues ? Oh oui, oui ! Je ne suis pas le seul Ă  penser comme ça Roger, 50 ans, Ă©lectricien maison ». C’est clair que les salariĂ©s de la rĂ©gion aujourd’hui trouvent ça parfaitement scandaleux. Non pas qu’ils en veuillent aux salariĂ©s Ă©trangers ils subissent les choses comme nous. Mais ils trouvent ça scandaleux d’aller chercher des salariĂ©s dans des pays lointains, qui sont payĂ©s trois francs-six sous, et qui ont des conditions de travail qui sont abominables. Alors qu’à la porte, y’a des centaines de milliers de Français qui sont au chĂŽmage et que, si l’entreprise faisait l’effort, certes financier, parce que ce serait un effort financier de le faire, on le reconnaĂźt parfaitement, mais on le dit Ă  la direction Faites l’effort financier pour former des gens qui sont aujourd’hui chĂŽmeurs sur la place de Saint-Nazaire. » Bien sĂ»r, ils sont pas tous soudeurs, Ă©lectriciens ou je sais pas quoi ! Mais faites l’effort de les former et derriĂšre on pourrait les embaucher et ils seront tout aussi efficaces. Alors, Ă©videmment, c’est un effort financier Jean-Michel, 45 ans, dessinateur maison », Ă©lu FO. 19 . Par exemple, lors d’entretiens, des ouvriers Chantiers ont dĂ©crit les inscriptions dans les toile ... 43Ces deux salariĂ©s expriment leur incomprĂ©hension vis‑à‑vis du recours Ă  la main‑d’Ɠuvre Ă©trangĂšre alors que l’emploi apparait incertain et qu’ils sentent peser la menace du chĂŽmage. Ils tentent cependant de nuancer leurs discours en rappelant qu’ils ne blĂąment pas directement les ouvriers Ă©trangers mais bien les entreprises qui utilisent cette main‑d’Ɠuvre Ă©trangĂšre. Le discours de ces travailleurs maison » sur le recours Ă  la sous‑traitance Ă©trangĂšre met en exergue toute la complexitĂ© des interdĂ©pendances entre des ouvriers aux statuts diffĂ©rents, contraints de participer Ă  la mĂȘme production, dans un mĂȘme espace de travail. Alors qu’il s’agissait d’un groupe solidement ancrĂ©, bĂ©nĂ©ficiant d’une position favorable au sein du monde ouvrier et de toute une gamme de privilĂšges, le rapport au travail des ouvriers maison » est reconfigurĂ© par ces nouvelles » relations de travail. Les craintes et la mĂ©fiance des ouvriers maison » Ă  l’égard de la sous‑traitance Ă©trangĂšre nous invitent Ă  poser la question du rĂŽle Ă©ventuel du processus de mise en concurrence entre les diverses catĂ©gories d’ouvriers sur le racisme et la xĂ©nophobie au travail. Des formes de racisme se sont effectivement dĂ©veloppĂ©es aux chantiers navals. La mise en avant du chĂŽmage sur la place de Saint‑Nazaire » pour critiquer la prĂ©sence des Ă©trangers en tĂ©moigne. Si certains ouvriers ont parfois Ă©voquĂ© le racisme aux chantiers navals sous la forme de remarques sur certaines insultes racistes rĂ©digĂ©es dans les toilettes19, nous n’avons pas observĂ© directement ces pratiques et l’on sait que dans les entretiens, l’apprĂ©hension des relations interethniques en chantier n’est pas plus aisĂ©e entre celui‑ci qui pose qu’il n’y a guĂšre que quelques interpellations ethnicisantes, qui ne sont pas mĂ©chantes », et celui‑lĂ  qui soutient que le racisme gouverne les chantiers, il ne peut ĂȘtre question de saisir un juste milieu, mais seulement de restituer la situation qui peut faire dire l’un et l’autre » Jounin, 2004, p. 112. En revanche, on peut constater que le racisme ou les sentiments xĂ©nophobes d’une frange des ouvriers maison » renvoie Ă  la maniĂšre dont ils tentent de dĂ©fendre leur position – leur emploi, leur travail. Ainsi, cette hostilitĂ© est dĂ©pendante de » la peur qui les tenaille d’ĂȘtre prĂ©cipitĂ©s dans une dĂ©chĂ©ance sociale insupportable pour ceux qui, il y a vingt ans, pensaient monter » Beaud & Pialoux, 2004, p. 408. En effet, comme l’ont montrĂ© StĂ©phane Beaud & Michel Pialoux, ce que vivent les ouvriers et employĂ©s d’aujourd’hui, c’est d’abord et avant tout la confrontation au jour le jour Ă  des formes accrues de concurrence qui se sont massivement dĂ©veloppĂ©es » 2009, p. 96. Cette mise en concurrence, sur laquelle l’entreprise s’appuie tout particuliĂšrement pour gagner en productivitĂ©, exacerbe certaines tensions racistes. Pour une partie des ouvriers maison », le rejet de la prĂ©sence des ouvriers Ă©trangers, incarnĂ©s par l’image de l’ouvrier polonais », prend des formes vives. Mais, dans l’ensemble, le discours des ouvriers tend plutĂŽt Ă  dĂ©noncer l’organisation de la production aux chantiers navals. Ce sont ces politiques de gestion de la main‑d’Ɠuvre qui suscitent une sorte de rejet des ouvriers Ă©trangers. Le discours d’Akim est, Ă  cet Ă©gard, trĂšs Ă©clairant [
] Mais cette tension‑lĂ  entre Ă©trangers et
 n’est pas du tout comme dans l’ancien temps, les Ă©trangers dehors et tout ça. Ce qui est mal vĂ©cu c’est qu’ils fassent dix heures, onze heures par jour, et qu’ils soient pas chers payĂ©s. ‑ Donc c’est plus de la solidaritĂ© ? C’est pas mĂ©chant contre eux, c’est mĂ©chant contre l’administration. Le fonctionnement de l’entreprise, c’est politique. Quand vous voyez, par exemple, qu’ils sont Ă  peine payĂ©s pour le mĂȘme travail
 Que les sous‑traitants viennent travailler, c’est pas le problĂšme, mais on va dire, ce sera payĂ© Ă  bols de riz. Donc c’est ça qui cause la tension. Ce qui est dommage parce que dans le bassin nazairien, le racisme est trĂšs peu frĂ©quentĂ©, trĂšs faible. Et ce genre de trucs risque de
 Akim, 30 ans, charpentier fer maison ». 20 . Lors des derniĂšres Ă©lections municipales mars 2014, le Front National a progressĂ© Ă  Saint‑Nazai ... 44Akim rappelle que le vote Front National demeure assez faible parmi les ouvriers nazairiens. S’il progresse aussi Ă  Saint‑Nazaire20, le vote en faveur du Front National reste en‑dessous des moyennes nationales et, chez les ouvriers, il semble que le vote Front de Gauche progresse tout autant. En s’alarmant Ă  propos des tensions xĂ©nophobes qu’il observe, ce jeune ouvrier exprime toute l’ambigĂŒitĂ© des ouvriers maison » vis‑à‑vis du recours Ă  la main‑d’Ɠuvre Ă©trangĂšre d’une part, les ouvriers Ă©trangers sont soupçonnĂ©s de voler » les emplois des ouvriers nationaux, mais, d’autre part, les salariĂ©s maison » accusent l’entreprise d’ exploiter » les ouvriers Ă©trangers, dont les conditions de travail sont rĂ©putĂ©es mauvaises Les Polonais, on les voit porter des tuyaux sur le dos ! On est plus en 1900 ! Et on voit ça arriver Pierre, 40 ans, Ă©lectricien maison ». 21 . Voir l’annexe Ă©lectronique 3, Extraits d’entretien avec Michel, 58 ans, technicien “maison” et ... 45D’une certaine maniĂšre, les ouvriers maison » expriment aussi de formes de soutien envers les ouvriers Ă©trangers payĂ©s Ă  bols de riz » pour reprendre l’expression d’un ouvrier, mĂȘme s’ils sont peu investis dans les mobilisations et dĂ©brayages menĂ©s pour amĂ©liorer les conditions d’emploi et de travail des Ă©trangers. L’ambigĂŒitĂ© des ouvriers maison » concernant la prĂ©sence des ouvriers Ă©trangers sur le site montre que le racisme prend des formes diffĂ©rentes de celles mises au jour par Nicolas Jounin parmi les ouvriers du bĂątiment Jounin, 2004 ; 2008 plus contenue » et diffuse, l’expression de racisme ne s’observe pas concrĂštement dans les interpellations et conversations entre ouvriers ou dans une ethnicisation radicale des rapports sociaux. Il n’empĂȘche que les formes de xĂ©nophobie observĂ©es ne cessent d’inquiĂ©ter les syndicalistes qui tentent d’apaiser les relations entre ouvriers21 Mais en fait, le problĂšme, et c’est pour ça qu’on sait jamais trop sur quel pied danser, c’est que, plus on parle des Indiens, des Polonais, plus on parle d’eux
 plus on en fait un problĂšme », tu vois ? Et le rĂ©flexe xĂ©nophobe est rapide. Les gars, quand ils apprennent les chiffres, le nombre d’étrangers sur le site
 ils pensent qu’ils ont des amis, de la famille au chĂŽmage
 et on tombe tout de suite dans la xĂ©nophobie ! C’est hyper compliquĂ© pour nous du coup
 Michel, 58 ans, technicien maison », responsable CFDT. 46Comme l’a montrĂ© Maryse Tripier, le racisme ouvrier semble peu idĂ©ologique et est fortement marquĂ© par le sentiment de la concurrence des Ă©chelles de lĂ©gitimitĂ© » Tripier, 2004, p. 186. Aux chantiers navals, les expressions de racisme ne s’observent pas tant dans une idĂ©ologie ou un vote Front National que dans le sentiment de mise en concurrence des diffĂ©rents segments ouvriers et dans les formes de dĂ©valorisation rĂ©ciproque qui en dĂ©coulent. Il peut alors ĂȘtre analysĂ© comme un effet du sentiment de prĂ©carisation des ouvriers statutaires dans cette entreprise Ouali, 2009. De ce fait, l’attitude des ouvriers » maison » Ă  l’égard des ouvriers sous‑traitants, et surtout des sous‑traitants Ă©trangers, peut ĂȘtre comparĂ©e au ressentiment » des employĂ©es de la CPAM Ă©tudiĂ©es par Sacha Leduc pour lesquelles le ressentiment collectif observĂ© est l’expression d’un sentiment partagĂ© d’injustice qu’éprouve un groupe social par la dĂ©gradation progressive de son statut, et qui se sent dĂ©possĂ©dĂ© par un autre groupe social de ses bĂ©nĂ©fices antĂ©rieurs » Leduc, 2008, p. 113. Les ouvriers sous‑traitants, et plus particuliĂšrement les Ă©trangers, ne partagent pas le statut et les conditions d’emploi des ouvriers maison » et ils ne tirent pas non plus de leur position des bĂ©nĂ©fices que n’auraient pas les ouvriers maison ». Pourtant, pour ces derniers, les sous‑traitants dĂ©gradent leur situation ils les dĂ©possĂšdent d’un certain savoir‑faire, de qualifications particuliĂšres et du prestige d’appartenir Ă  une entreprise qui bĂ©nĂ©ficie d’une image et d’une production valorisĂ©es. Leur sentiment de dĂ©possession est renforcĂ© par la dĂ©valorisation et disqualification des ouvriers maison » par les travailleurs extĂ©rieurs. Conclusion 47L’analyse proposĂ©e ici des effets de la sous‑traitance sur la configuration du monde ouvrier contemporain, Ă  partir du cas d’un chantier naval, montre le caractĂšre structurant des inĂ©galitĂ©s de conditions d’emploi. En effet, les transformations des modes de gestion de main‑d’Ɠuvre dans l’industrie produisent des interdĂ©pendances complexes et ambivalentes entre les segments ouvriers. Ainsi, bien qu’une coopĂ©ration technique et matĂ©rielle apparaisse entre ces diffĂ©rents segments ouvriers, leurs relations prennent principalement la forme d’une dĂ©valorisation rĂ©ciproque. Puisque les ouvriers maison » s’estiment menacĂ©s » par la prĂ©sence des ouvriers sous‑traitants, ils les stigmatisent pour se rĂ©affirmer comme Ă©tablis » aux chantiers navals de Saint‑Nazaire. En effet, Ă  tort ou Ă  raison, et comme bien d’autres groupes semblables, ils se croyaient exposĂ©s Ă  une attaque sur trois fronts contre leur monopole du pouvoir, contre leur charisme collectif et contre leurs normes collectives » Elias & Scotson, 1997, p. 86. Dans le discours des ouvriers, on perçoit ce sentiment de menace » qui pĂšserait sur leurs qualifications, sur leurs emplois, sur le prestige de leur travail issu d’un savoir‑faire que les sous‑traitants n’auraient pas. En dĂ©valorisant les ouvriers extĂ©rieurs, et tout particuliĂšrement les ouvriers Ă©trangers, les ouvriers maison » souhaitent donc rĂ©sister aux Ă©volutions des modes de gestion de main‑d’Ɠuvre et c’est ce qui vient alimenter une forme de xĂ©nophobie ouvriĂšre. Cependant, l’analyse de ces relations ouvriĂšres montre aussi, et cela en constitue un trait saillant, que les ouvriers extĂ©rieurs, souvent perçus comme une main‑d’Ɠuvre invisible et prĂ©caire, ne sont pas sans ressources pour faire face Ă  cette dĂ©valorisation ils ont Ă©galement une reprĂ©sentation nĂ©gative des ouvriers maison » qui alimente en retour le sentiment de disqualification de ces derniers. S’exerce ainsi une forme de mĂ©pris croisĂ© que l’on observe en d’autres lieux du monde du travail. Deux remarques peuvent dĂ©couler de ces constats. En premier lieu, la rĂ©ciprocitĂ© des mĂ©canismes de dĂ©valorisation entre les segments ouvriers nous invite, comme le fait Hughes, Ă  ne pas penser que chacun des groupes mĂšne une existence assez autonome pour ĂȘtre Ă©tudiĂ© sans rĂ©fĂ©rences aux autres groupes qui l’entourent » Hughes, 1996, p. 205. Ce sont les interdĂ©pendances entre les groupes en prĂ©sence qui permettent, au contraire, d’apprĂ©hender la configuration du monde ouvrier. Ensuite, l’analyse des relations de travail entre les ouvriers maison » et les ouvriers de la sous‑traitance rappelle qu’étudier le monde ouvrier aujourd’hui, ce n’est pas seulement regarder du cĂŽtĂ© de l’emploi. La dĂ©stabilisation des stables » s’éprouve aussi Ă  partir du rapport au travail des ouvriers, dont les relations de travail sont partie prenante. Ainsi, si les ouvriers maison » expriment des craintes par rapport Ă  la sous‑traitance, en particulier Ă©trangĂšre, ils en retirent aussi un sentiment aigu de supĂ©rioritĂ© technique, mais aussi sociale », puisqu’ils dĂ©tiennent les attributs d’une aristocratie ouvriĂšre par rapport aux autres franges d’ouvriers avec lesquels ils cohabitent. Uneculture ancienne - les premier chantiers navals s'installent dans la citĂ© en 1622 - , qui s'est dĂ©veloppĂ©e au fil du temps, constituant le poumon Ă©conomique de la ville. Avec la crise de la construction navale en MĂ©diterranĂ©e, l'histoire prend brutalement fin en 1988 suite Ă  la dĂ©cision de la Commission europĂ©enne et du Informations pratiques PrĂ©sentation ActualitĂ©s Plan Y Acceder Avis Je veux y aller ! Connectez-vous pour voir vos amis qui veulent y aller. Ouvert samedi 1530 – 2200 lundi FermĂ©mardi 1530 – 2200mercredi 1530 – 2200jeudi 1530 – 2200vendredi 1530 – 2200samedi 1530 – 2200dimanche FermĂ© dimanche 15H 28° lundi 15H 27° mardi 15H 27° Depuis 2013, l'association, soutenue par la ville de La Ciotat, dispose d'un local ouvert au public sur l'histoire de la construction navale. Cet espace, installĂ© sur le Port-vieux Ă  proximitĂ© du site naval dans l'ancien bĂątiment de l'armement, offre gratuitement aux Ciotadens et aux visiteurs de passage un programme d'expositions, de confĂ©rences et de projections de films traitant des activitĂ©s maritimes d'hier et d'aujourd'hui. derniĂšre mise Ă  jour 20/05/2019 On en parle sur Carte interactive Ă  proximitĂ© 069 - LA CIOTAT MARSEILLE 072 - LA CIOTAT AIX EN PROVENCE par AUBAGNE 228 - CEYRESTE LA CIOTAT SAINT CYR MER 228 - CEYRESTE LA CIOTAT SAINT CYR MER 069 - LA CIOTAT MARSEILLE 072 - LA CIOTAT AIX EN PROVENCE par AUBAGNE 069 - LA CIOTAT MARSEILLE 072 - LA CIOTAT AIX EN PROVENCE par AUBAGNE aJQs1.
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